LES SWAPS DE TAUX D’INTÉRÊTS PASSENT L’ÉPREUVE DES JUGES
Les swaps de taux d’intérêts sont des contrats permettant d’échanger un taux d’intérêt variable contre un taux fixe pendant une durée déterminée. Ces instruments financiers permettent aux entreprises de couvrir leurs risques liés à la variation des taux d’intérêts. Les entreprises se sont souvent protégées contre la hausse des taux d’intérêts mais pas souvent contre la diminution de ces taux, ce qui est un aléa.
Avec la chute des taux d’intérêts intervenue ces dernières années, plusieurs investisseurs ont été confrontés à de lourdes pertes et ont porté leurs dossiers devant les tribunaux et l’Ombudsfin.
Que peut-on retenir de 4 années de jurisprudence ?
Les Cours et tribunaux ont validé les contrats souscrits dans la très grande majorité des cas. Ils ont précisé que les swaps étaient des contrats autonomes par rapport aux lignes de crédit. Ce caractère a pour conséquence que les intérêts dont l’entreprise est redevable sont calculés sur le montant repris dans les contrats de swap (le notionnel), quand bien même le montant emprunté est inférieur à celui-ci. Les contrats de swaps sont des contrats aléatoires qui ne peuvent pas faire l’objet d’une rescission pour lésion. Les tribunaux ont par ailleurs rappelé que c’est au client qu’incombe la charge de la preuve des manquements reprochés et que la banque doit collaborer loyalement à l’administration de la preuve.
MiFID
Sur le « know your customer », la jurisprudence accepte que lorsque la banque n’a pas procédé au profilage formel de son client, l’on peut déduire une présomption de bonne connaissance de l’expérience, de la situation financière et des objectifs du client du fait que les parties sont en relation d’affaires depuis plusieurs années et que la banque gère tout ou partie des flux financiers du client. Sur l’adéquation du produit ou du profil du client (suitability), les juges recherchent si les swaps litigieux correspondaient au but de couverture, voire de spéculation que le client s’était assigné.
N’est pas en soi nécessairement abusif le fait qu’un tel contrat comprenne une clause de résiliation avant terme dans le seul chef de la banque. Le client reçoit d’ailleurs une bonification d’intérêt en échange. En ce qui concerne le devoir d’information du banquier, la jurisprudence rappelle que celui-ci doit permettre au client de comprendre le mécanisme et la portée du produit et la nature et l’étendue des risques liés. C’est une obligation de moyen qui peut dépendre de la connaissance de l’expérience et de la qualification du client. Certains tribunaux considèrent même que cette obligation s’éteint lorsque le client n’éprouve plus de besoin d’information, du fait qu’il connaît la nature et les risques liés à l’opération envisagée. Lorsque le client ne comprend pas le produit qui lui est expliqué et risque d’être induit en erreur sur sa substance, les tribunaux considèrent qu’il lui incombe aussi un devoir de s’informer sur la nature, l’objet, la portée et les risques du contrat auquel il veut souscrire.
Conditions bancaires
Lorsque les établissements de crédit établissent l’opposabilité à leurs clients de leurs conditions bancaires et de leur contrat-cadre produits dérivés, les tribunaux valident en général les clauses d’approuvé implicite et de prescription. Les premières sont des clauses probatoires qui créent une présomption d’acceptation et de compréhension des opérations intervenues. Elles ne sont pas interdites par la réglementation MiFID. Elles donnent une signification au silence conservé par le contractant pendant une certaine période convenue (30 ou 60 jours ?). Si le client ne conteste pas à bref délai une opération de swap, il empêche le banquier d’extourner rapidement cette opération sur le marché financier en limitant sa perte. En tardant à contester une opération, le client ne limite pas son dommage comme il a l’obligation de le faire. L’absence prolongée de réaction du client constitue un silence circonstancié qui emporte la renonciation à engager la responsabilité du banquier.
Les conditions bancaires prévoient également des délais de prescription pour agir en justice. Ce délai (3 ou 5 ans ?) prend généralement cours à dater de l’opération ou du fait qui donne lieu à la contestation. Le fait critiqué peut consister en une absence d’information suffisante au moment de la conclusion du contrat de swap. Cette prescription conventionnelle fait la loi des parties. Elle est admise par les tribunaux et emporte la forclusion du droit d’agir en justice. Il ressort de toutes ces décisions judiciaires que les critiques émises par certains quant aux swaps de taux d’intérêts ne sont pas fondées d’un point de vue juridique.
La jurisprudence ne va pas en leur sens.
Jean-Pierre Buyle