Le Portugal : nouvel eldorado de l’économie sociale ?

18 décembre 2017

Silvia Steisel

Alors que le Portugal émerge de la pire crise de son histoire démocratique, de nombreux échos résonnent d’un « plus jamais ça ». Difficile cependant de ne pas retomber dans les anciens modèles économiques, ceux-là mêmes qui ont contraint les Portugais à une austérité et un recul social sans précédent. Et si une réponse était l’économie sociale, cette transition économique que la jeunesse portugaise porte et concrétise jour après jour ? Dépassé le stade d’utopie : l’économie sociale portugaise s’est construite en cinq ans un réel écosystème et est en passe de devenir une référence en Europe.

Pour ceux qui se rendent aujourd’hui au Portugal, ils constateront un dynamisme et un optimisme contagieux. Dans les rues, une jeunesse multilingue et connectée déambule,  impatiente de faire la part belle à cette « maudite crise » qui berça leur enfance. Certains sont fraîchement sortis de la NOVA Business School, de l’Université de Coimbra ou de la Catolica où ils auront peut-être suivi un master en impact et entrepreneuriat social, un « must » parmi les programmes de management d’aujourd’hui. Dans ces académies-là, on conçoit que « chaque CEO devrait agir comme un entrepreneur social et chaque entrepreneur social devrait agir comme un CEO », dixit NOVA Business School. 

Innover. Repenser. Réévaluer la valeur de l’activité économique, plus uniquement sur sa valeur commerciale. Prendre en compte la valeur sociale, celle qui manqua tant lors des années d’austérité qui ont pris en otage une génération entière de professionnels débutants. Celle-là même qui aujourd’hui donne son souffle à un nouveau modèle d’innovation sociale. Un terme qui ne se réduit pas au domaine social, mais s’applique à une refonte totale de l’économie davantage tournée vers des solutions pour une prospérité durable et de cohésion sociale.

Créer un écosystème
Difficile d’imaginer qu’à l’ombre de la terrasse arborée de la Gulbenkian Foundation à Lisbonne, cette même fondation a permis de catalyser les premiers investissements sociaux au Portugal. En créant la « Portuguese Social Investment Taskforce » avec le soutien de la Commission européenne , la Fondation Gulbenkian a permis d’attirer autour de la table les principaux acteurs du public comme du privé pour  permettre de créer le premier marché de l’investissement social pour le pays. C’est là l’un des pouvoirs indéniables de la philanthropie : la capacité à rassembler et créer le momentum.
Sécuriser une telle source de financement spécifique a permis de faire émerger une nouvelle vague de « stars » de l’innovation sociale, ces entrepreneurs sociaux, organisés autour d’Ashoka Portugal et du « Impact Hub », l’incubateur des premiers entrepreneurs sociaux ibériques. Qui dit investissement social dit aussi nouvelles opportunités d’investissement comme les « Social Impact Bonds » sur lesquels les Portugais se veulent précurseurs.
Un agenda public favorable à travers l’initiative « Portugal Social Innovation », un label B Corps Portugal pour inciter les entreprise à mener une stratégie d’impact social, un soutien de 150 millions d’euros de l’Europe qui y voit un laboratoire de sa politique de soutien à l’économie sociale et solidaire : le sujet a du vent dans les voiles au pays de Magellan.
Un sillon à suivre

Si l’économie sociale semble entamer un printemps radieux au Portugal, le marché connaît des obstacles. L’absence d’un cadre légal prenant en compte la spécificité de l’entrepreneuriat social cantonne l’innovation sociale au secteur tertiaire. Si l’économie sociale est une priorité gouvernementale, garantir un agenda sur le long terme sera nécessaire pour permettre au secteur d’arriver à maturité.  Si les pionniers de l’innovation sociale se font entendre, force est de constater que la majorité des acteurs clés du secteur philanthropique portugais gardent une approche conservatrice. De par sa taille, le marché de l’investissement social lusitanien ne prétend pas mener un rôle de leader sur le marché international.

Cependant, cette ébauche prometteuse et réplicable est un modèle inspirant pour marcher sur les traces du Portugal. Car, pour citer l’ex-Ministre Miguel Maduro lors de l’inauguration du programme d’innovation sociale au Portugal : «  Il serait terrible de gaspiller une crise ».
A travers son activité de philanthropie, Banque Degroof Petercam suit de près le développement de l’économie sociale et solidaire, notamment à travers le modèle portugais.  Au travers des activités de la Degroof Petercam Foundation, nous cherchons à adapter les meilleures pratiques en matière d’innovation sociale.

L’auteure, Silvia Steisel est Head of Philanthropy à la Banque Degroof Petercam à Bruxelles

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