Les scandales récents – «Dieselgate», «Luxleaks», «Panama Papers» – ou les révélations qui se succèdent à propos de Cambridge Analytica montrent que les lanceurs d’alerte peuvent jouer un rôle important dans la mise au jour d’activités illicites qui portent préjudice à l’intérêt général et au bien-être des citoyens et de la société. La proposition déposée garantira un niveau élevé de protection des lanceurs d’alerte qui signalent des violations du droit de l’Union européenne (UE), en fixant de nouvelles normes applicables à l’échelle de l’Union.
Cette nouvelle loi verra l’instauration de canaux sûrs permettant les signalements tant au sein d’une organisation qu’auprès des pouvoirs publics. Elle protégera aussi les lanceurs d’alerte contre le licenciement, la rétrogradation et d’autres formes de représailles et obligera les autorités nationales à informer les citoyens et à former les pouvoirs publics à l’accompagnement des lanceurs d’alerte.
Selon le premier vice-président de la Commission, M. Frans Timmermans, «de nombreux scandales récents n’auraient peut-être jamais été mis au jour si, de l’intérieur, des voix courageuses ne s’étaient élevées. Dès lors, mieux protéger les lanceurs d’alerte nous permettra de mieux détecter et prévenir tout préjudice porté à l’intérêt général en cas de fraude, de corruption ou d’évitement fiscal par les entreprises ou encore à la santé humaine ou à l’environnement. Il ne devrait pas y avoir de punition quand on a fait ce qui est juste. En outre, les propositions déposées aujourd’hui protègent aussi ceux qui interviennent en tant que source pour des journalistes d’investigation, contribuant ainsi à garantir la défense de la liberté d’expression et de la liberté des médias en Europe.».
Mme Vĕra Jourová, commissaire pour la justice, les consommateurs et l’égalité des genres, a ajouté pour sa part: «les nouvelles règles de protection des lanceurs d’alerte seront un catalyseur du changement. Avec la mondialisation et la tentation réelle de maximiser le profit, parfois aux dépens de la loi, il faut soutenir ceux qui sont prêts à prendre le risque de dénoncer des violations graves du droit de l’UE. Nous le devons aux honnêtes gens d’Europe.».
Les lanceurs d’alerte peuvent aider à détecter, à instruire et à sanctionner des violations du droit de l’UE. Ils jouent également un rôle important quand ils permettent aux journalistes et à la presse libre de tenir la place fondamentale qui est la leur dans nos démocraties. C’est pourquoi les lanceurs d’alerte ont besoin d’une protection adéquate contre l’intimidation ou les représailles. Les citoyens qui mettent au jour des activités illégales ne devraient pas être punis du fait de leurs actes. Mais en réalité, bon nombre d’entre eux le paient de leur emploi, de leur réputation voire de leur santé: 36 % des travailleurs qui ont signalé des fautes ont été victimes de mesures de représailles (Enquête Global Business Ethics, 2016). La protection des lanceurs d’alerte contribuera aussi à la sauvegarde de la liberté d’expression et de la liberté des médias, et elle est essentielle à la protection de l’État de droit et de la démocratie en Europe.
Protection pour toute une série de violations du droit de l’Union
La proposition déposée garantit une protection dans toute l’UE en cas de lancement d’une alerte portant sur une violation de la législation de l’UE concernant les marchés publics, les services financiers, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la sécurité des produits, la sécurité des transports, la protection de l’environnement, la sûreté nucléaire, la sécurité des denrées alimentaires et aliments pour animaux, la santé et le bien-être des animaux, la santé publique, la protection des consommateurs, le respect de la vie privée, la protection des données et la sécurité des réseaux et systèmes d’information. Elle s’applique également aux atteintes aux règles de l’UE en matière de concurrence, aux violations et abus de la réglementation applicable à la fiscalité des entreprises et aux préjudices portés aux intérêts financiers de l’UE. La Commission encourage les États membres à aller au-delà de cette norme minimale et à mettre en place des cadres globaux de protection des lanceurs d’alerte fondés sur les mêmes principes.
Des mécanismes et obligations clairs pour les employeurs
Toutes les entreprises de plus de 50 salariés ou dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 10 millions d’euros seront tenues de mettre en place une procédure interne pour traiter les signalements des lanceurs d’alerte. Toutes les administrations nationales ou régionales et les municipalités de villes de plus de 10 000 habitants seront également concernées par la nouvelle loi.
Les mécanismes de protection à mettre en place devront comprendre notamment:
-des canaux de communication clairs, à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation, garantissant la confidentialité;
-un système de signalement à trois échelons comprenant:
-des canaux de signalement internes;
-une voix de signalement aux autorités compétentes – dès lors que les canaux internes ne fonctionnent pas ou qu’il peut raisonnablement être supposé qu’ils ne fonctionneront pas (par exemple lorsque le recours à des canaux internes pourrait mettre en péril l’efficacité de mesures d’enquête menées par les autorités compétentes);
-le signalement au grand public ou aux médias – lorsqu’aucune mesure adéquate n’a été prise après un signalement par d’autres canaux, en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public ou encore en cas de préjudice irréversible;
-des obligations de retour d’information pour les autorités et les entreprises, qui devront réagir aux signalements et y assurer un suivi dans un délai de trois mois dans le cas d’un signalement par les canaux de communication internes;
-des mesures de prévention des représailles et une protection effective: toute forme de représailles est interdite et doit faire l’objet de sanctions. Si le lanceur d’alerte subit des mesures de représailles, il doit avoir accès à des conseils gratuits et à des voies de recours appropriées (par exemple, des mesures permettant de mettre fin au harcèlement sur le lieu de travail ou d’éviter un licenciement). La charge de la preuve sera inversée en pareil cas, la personne ou organisation impliquée devant établir qu’elle n’use pas de représailles à l’encontre du lanceur d’alerte. Les lanceurs d’alerte seront également protégés dans les procédures judiciaires, en particulier par une exonération de la responsabilité liée à la divulgation des informations concernées.
Des mesures de sauvegarde effective
La proposition protège le lancement d’alerte responsable, mû par l’intention sincère de préserver l’intérêt public. Elle comprend dès lors des mesures de sauvegarde destinées à décourager les signalements malveillants ou abusifs et à prévenir des atteintes injustifiées à la réputation. Les personnes impliquées dans les faits signalés par un lanceur d’alerte bénéficieront pleinement de la présomption d’innocence, du droit à un recours effectif et à un procès équitable et du droit de la défense.
Contexte
La protection accordée aux lanceurs d’alerte au sein de l’Union est actuellement fragmentée et inégale. À l’heure actuelle, seuls dix États membres de l’UE assurent une pleine protection des lanceurs d’alerte. Dans les autres États, la protection accordée est partielle et ne s’applique qu’à des secteurs ou catégories de travailleurs spécifiques.
La proposition de la Commission s’appuie sur la recommandation sur la protection des lanceurs d’alerte de 2014 du Conseil de l’Europe, dans laquelle il recommande que «les États membres disposent d’un cadre normatif, institutionnel et judiciaire pour protéger les personnes qui, dans le cadre de leurs relations de travail, font des signalements ou révèlent des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général», et elle énonce des principes qui pourront guider les États lors de l’adoption ou du réexamen de ce type de cadres.
Dans ses conclusions sur la transparence fiscale du 11 octobre 2016, le Conseil a invité la Commission à envisager la possibilité d’une future action de l’UE. Les organisations de la société civile et les syndicats ont régulièrement plaidé pour la mise en place d’un dispositif législatif à l’échelle de l’UE qui protège les lanceurs d’alerte agissant au nom de l’intérêt public.
La Commission s’est engagée à prendre des mesures pour protéger les lanceurs d’alerte, notamment les sources journalistiques, lors du deuxième colloque annuel sur les droits fondamentaux de novembre 2016, dont le thème était «Pluralisme des médias et démocratie».
Renforcer la protection des lanceurs d’alerte permet aussi de concrétiser l’engagement pris par la Commission de mettre davantage l’accent sur l’application du droit de l’Union, comme elle l’a exposé dans sa communication de 2016 intitulée «Le droit de l’UE: une meilleure application pour de meilleurs résultats».
Source : Commission Européenne
Protection des lanceurs d'alerte: la Commission fixe de nouvelles règles applicables dans toute l'UE
25 avril 2018