Et si tout le système financier frôlait la nationalisation tacite ?
Depuis trois ans, les banques centrales jouent un rôle pivot dans le financement de l’économie, ayant –à juste titre – inondé le marché de liquidités. La BCE s’est certes engagée tardivement dans ce mouvement mais a finalement décidé de faire tourner la planche à billets dans un contexte de taux d’intérêt historiquement bas. La configuration du circuit monétaire est donc fondamentalement différente de ce qu’elle était au début de la crise : la monnaie publique (créée par les banques centrales) compense le manque de vélocité du flux de monnaie privée (créé par le multiplicateur du crédit, c’est-à-dire la circulation de la monnaie entre les banques privées).
Mais quel est l’aboutissement de cette situation qui ressemble furieusement à un recentrage public du circuit bancaire, d’autant que les banques centrales sont désormais responsables (et particulièrement en Europe) du contrôle des banques privées ?
Faute de croissance qui réduirait mécaniquement le rôle des banques centrales, ces dernières se sont peut-être engagées dans une voie sans retour, étant obligées de continuer à alimenter l’offre de monnaie afin de garder des taux d’intérêt bas et une croissance qu’elles espèrent inflationniste.
Cette issue replacerait les banques privées sous un voile de nationalisation éthéré. Dans tous les cas de figure, il faudra au moins une décennie pour retrouver le monde bancaire du début du millénaire, si tant est que ce soit souhaitable.
Il ne faut jamais l’oublier : même si elle est essentiellement « fabriquée » par des institutions privées, la monnaie est un bien public dont le dévoiement révélé lors de la crise de 2008 a mis en exergue la nécessité du contrôle régalien.
L’accroissement du rôle des banques centrales reflète sans doute une réappropriation de la gestion monétaire par les autorités publiques.
Bruno Colmant