Le bail-in et les particuliers

10 septembre 2021

En cas de crise bancaire, l’impact potentiel d’une résolution sur les particuliers explique, en partie du moins, les réticences des États face à ce mécanisme. La protection des épargnants s’est renforcée mais des risques demeurent. Quant au bail-in des dépôts, il est remis en question dans le contexte de la révision du cadre CMDI (Crisis Management and Deposit Insurance).

L’un des buts poursuivis lors de l’élaboration du pilier Résolution de l’Union bancaire était de protéger les contribuables en cas de crise bancaire. Mis en place par la directive BRRD, elle-même adoptée en 2014 et entrée en vigueur le 1er janvier 2015, le bail-in n’est lui entièrement entré en vigueur que le 1er janvier 2016. Il vient prendre le contre-pied du bail-out, le renflouement des banques par les États. Avec le bail-in – ou renflouement interne – les pertes de la banque sont en priorité absorbées par les actionnaires puis, si cela est nécessaire, le mécanisme remonte la hiérarchie des créanciers (voir l’interview de Thierry Dissaux) et peut aller jusqu’aux dépôts, ceux des particuliers bénéficiant de protections importantes. Pour autant, les épargnants et les déposants ne sont pas totalement immunisés en cas de bail-in.

Des épargnants pas toujours conscients des risques

Certes, le sort des épargnants qui détiennent des actions de la banque ne pose guère de difficulté : que des actionnaires, fussent-ils des particuliers, absorbent les pertes d’une banque dans le cadre d’un bail-in ne choque en rien les opinions publiques car les actions sont connues pour leur niveau de risque élevé. En revanche, les épargnants détenant des titres obligataires émis par l’établissement en difficulté n’ont pas forcément conscience des risques qu’ils encourent, comme cela a pu être observé en Italie ; ces situations sont décrites par Pierre-Henri Conac, professeur de droit des marchés financiers à l’Université du Luxembourg, qui explique pourquoi, en dépit des progrès réalisés en matière de protection des épargnants, celle-ci n’est, selon lui, toujours pas optimale.

Pour les déposants, la probabilité d’être concernés par un bail-in est faible. Dans certains pays comme la France, le risque de voir le renflouement interne atteindre les dépôts est même extrêmement faible, mais dans d’autres pays, pour certaines banques, en fonction de leur structure de financement, le risque est plus tangible. Et plusieurs États ont fait part à la Commission de leur préoccupation en la matière. L’exécutif européen travaille actuellement à la révision du cadre CMDI (Crisis Management and Deposit Insurance) et dans ce contexte, la question est clairement posée de priver BRRD du bail-in des dépôts.

Des dépôts très protégés mais pas immunisés

Parmi les dépôts, ceux des particuliers sont bien sûr les plus sensibles politiquement. Ils sont d’ailleurs très protégés puisqu’ils sont garantis à hauteur de 100 000 euros. Ce plafond est réhaussé dans certains cas, comme la vente d’un bien immobilier d’habitation. Alors, pendant trois mois, le plafond est, en France, porté à 600 000 euros. Si cette protection est considérable, elle ne serait toutefois pas suffisante dans le cas, par exemple, d’un Parisien, qui vendrait son appartement pour 750 000 euros, ce qui correspond à environ 70 m2. La probabilité que le risque de bail-in se matérialise est infime pour ce déposant, mais si tel était le cas, il pourrait perdre 150 000 euros pendant trois mois et 650 000 euros au-delà. C’est en principe fin 2021 que seront connus les éventuels aménagements proposés par la Commission, visant à modifier la règle actuelle du renflouement interne.



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