Investissement : petit mais costaud

11 mai 2016

Anne-Catherine Delaye
Comme le montre la récente chute des cours du titre Apple, même les entreprises les plus grandes et les plus prospères ont parfois des difficultés à maintenir leur croissance. C’est une des raisons pour lesquelles, en matière d’investissement, la taille n’est pas toujours synonyme de succès.
De fait, sur le long terme et hormis durant les périodes de ralentissement économique, les titres de petite et moyenne capitalisation (PMC) surperforment systématiquement les grandes capitalisations.
À titre d’exemple, entre le 31 décembre 1999 et le 31 décembre 2015, l’indice MSCI Europe Small Cap a enregistré une performance totale de 292 % alors que durant la même période, l’indice MSCI Europe n’a progressé que de 53 %.
Si l’on se base sur une période encore plus longue, on constate que 10 000 dollars investis en 1926 dans des titres de petite capitalisation américains vaudraient la somme prodigieuse de 266 millions de dollars en 2014, contre moins de 50 millions de dollars si le même investissement initial avait été effectué dans des titres de grande capitalisation.
Quels sont les facteurs qui expliquent une telle surperformance historique ?
Tout d’abord, la nature même des petites et moyennes capitalisations : compte tenu de leur taille, ces sociétés sont en mesure de réagir rapidement à l’évolution des tendances du marché. Généralement fondées par une seule personne ou par un petit groupe d’individus partageant la même idée de lancement d’un nouveau produit ou service, les PMC sont également axées de par leur nature sur l’innovation et prospèrent grâce à leur esprit d’entreprise et leur dynamisme.
Dans la mesure où ces sociétés peinent souvent à lever des capitaux, les fondateurs sont généralement les premiers investisseurs, misant leur propre argent et par conséquent s’engageant fortement dans la gestion de l’entreprise.
Face à l’impossibilité de se lancer sur des segments de marché dominés par des géants qui bénéficient d’importantes économies d’échelle, les PMC ont tendance à se concentrer sur des marchés de niches dans lesquels les opportunités structurelles sont source de croissance durable. Tel est l’exemple de Chobani, société fondée en 2005 par un immigrant turc soucieux de faire connaître aux Américains le yaourt de son pays et dont la valeur est aujourd’hui estimée à quelque 3 milliards de dollars.
En se concentrant sur un produit ou un service bien spécifique, les PMC sont en mesure de garder un contact très étroit avec leurs fournisseurs et leurs clients : le fondateur de Chobani décida d’installer sa première usine à côté d’une exploitation laitière, il fit l’acquisition d’un séparateur d’occasion pour à peine 50 000 dollars et offrit aux supermarchés des yaourts gratuits en échange d’un espace en rayon qu’il n’aurait pas pu s’offrir autrement.
Dans la mesure où la base de départ est plus petite que celle des grandes entreprises, les PMC peuvent se développer plus rapidement. Grâce à leur structure de coûts allégée et plus souple, soutenue par des prises de décision efficaces, elles gèrent généralement mieux leurs profits.
En pourcentage, les PMC réinvestissent davantage que les grandes capitalisations dans leur croissance future, notamment parce que les versements de dividendes sont en général limités. Elles ont également tendance à afficher de plus faibles ratios d’endettement sur capitaux propres, ce qui reflète la prudence dont elles font souvent preuve en matière d’emprunt.
Du fait de l’absence de couverture significative de la part des analystes, il peut être difficile pour les PMC d’attirer des investissements extérieurs, ce qui entraine des inefficacités de marché. Dans la mesure où les banques d’investissement continuent à réduire activement leur couverture des PMC dans le cadre de leurs efforts généralisés de réduction des coûts, cette inefficacité ne peut que s’aggraver.
Un potentiel inexploité
On peut donc raisonnablement supposer que le cours de l’action d’un grand nombre de PMC européennes (il en existe plus d’un millier) ne reflète pas leur juste valeur. Et c’est là que réside un potentiel inexploité.
Dans le contexte actuel de reprise économique, les PMC devraient ainsi continuer à surperformer, aidées également par un environnement de taux d’intérêt bas qui a réduit le coût d’emprunt et accéléré le mouvement de fusions/acquisitions, faisant des PMC des cibles de rachat particulièrement attrayantes.
Il faut cependant souligner que toutes les PMC ne peuvent pas être aussi performantes que Chobani, dont le chiffre d’affaires annuel avait atteint 1 milliard de dollars cinq ans après son lancement. De plus, investir dans des PMC n’est pas sans risque. Elles n’ont souvent qu’un historique limité et font l’objet d’une couverture minime de la part des analystes. La volatilité du marché et l’incertitude concernant la situation macroéconomique assombrissent davantage ce tableau.
Cela étant, sur le long terme, les titres de petite et moyenne capitalisation ont clairement démontré leur capacité à produire de meilleures performances.
Basée à Bruxelles, Mme Delaye occupe le poste de Senior Fund Manager chez Puilaetco Dewaay Private Bankers, membre de KBL European Private Bankers.


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