Paul Broholm
Alors que la campagne de Donald Trump continue de s’autodétruire, nous examinons quelles seraient les conséquences potentielles de la présidence d’Hillary Clinton sur la première économie mondiale et sur les perspectives de croissance à l’échelle mondiale.
En ce début de mois, Hillary Clinton semble plus que jamais en passe de devenir la première femme élue à la présidence des États-Unis, ses chances de victoire en novembre prochain étant évaluées à 80-85 % par la plupart des pronostiqueurs. Sauf surprise majeure (comme la divulgation continue de ses e-mails ou lors des débats à venir), les investisseurs devraient commencer à s’interroger sur les conséquences économiques d’une élection de Clinton.
Principaux éléments de son programme
-Augmentation de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les plus-values pour les contribuables les plus riches, avec un plafonnement sur la valeur des abattements et une réduction compliquée de la taxe sur les plus-values pour les périodes de détention plus longues.
-Hausse des dépenses d’infrastructures et d’éducation et aide supplémentaire aux ménages à faibles revenus.
-Relèvement du salaire minimum, aide renforcée aux études secondaires et universitaires, et instauration d’un congé parental rémunéré obligatoire.
-Soutien à la poursuite ou l’augmentation de l’immigration légale.
Dans l’ensemble, ces propositions devraient profiter à l’emploi et à la croissance globale. La hausse des dépenses d’infrastructures stimulera directement l’économie et améliorera la productivité à long terme. Les propositions de Clinton sur l’immigration devraient permettre d’augmenter le nombre de travailleurs qualifiés dans le pays, tandis que l’aide aux études secondaires et universitaires devrait être payante à long terme en produisant une main-d’œuvre plus instruite.
La redistribution des richesses des ménages à revenus élevés aux ménages à faibles revenus devrait également s’avérer globalement stimulante. Les ménages les plus modestes ont tendance à dépenser une plus grande partie de leurs revenus, tandis que les ménages à revenus plus élevés sont plus aptes à maintenir leur niveau de consommation en réduisant leur épargne.
En revanche, les conséquences d’une hausse des impôts des personnes fortunées sur l’investissement sont moins claires. En particulier, les propositions complexes visant à augmenter l’impôt sur les plus-values tout en offrant un abattement pour les périodes de détention plus longues sont susceptibles de modifier le comportement des investisseurs de manière imprévisible. Dans l’ensemble, les conséquences sur l’investissement total devraient être limitées, mais le comportement des investisseurs privés pourrait changer de façon surprenante.
En 2020
Une analyse effectuée par Moody Analytics aboutit aux conclusions suivantes pour les États-Unis en 2020 si le programme de Clinton est adopté dans son intégralité, par rapport à la politique actuelle :
-Environ 3,2 millions d’emplois supplémentaires seraient créés.
-La croissance du PIB passerait à 2,7 % contre une prévision de 2,3 % actuellement.
-L’inflation augmenterait de 0,2 % pour atteindre 2,6 %.
-Les rendements des bons du Trésor à 10 ans augmenteraient de 0,6 %, jusqu’à 4,6 %.
-La dette publique augmenterait légèrement, mais le ratio endettement/PIB reculerait très légèrement (à 78 %, soit -0,7 %) en raison de la plus forte croissance économique.
Dans l’ensemble, ce scénario offre une issue attrayante pour les électeurs à revenus faibles et moyens, qui garantirait sa victoire si les perceptions des électeurs n’étaient pas si négatives. Les opinions de la majorité des électeurs admissibles à l’égard de Clinton comme de Donald Trump sont défavorables. La principale question reste bien entendu de savoir dans quelle mesure la Présidente Clinton pourrait réellement faire adopter ses propositions de loi. Sur ce point, la réponse est nettement moins claire, d’autant que les chances d’une victoire écrasante semblent très limitées étant donné les deux candidats et les divisions actuelles qui règnent dans la politique américaine.
L’issue la plus probable semble être l’installation de Clinton à la Maison blanche, les Républicains conservant le contrôle de la Chambre des Représentants et le Sénat se retrouvant également réparti entre les deux partis (avec un léger avantage aux Démocrates à ce stade). Ce serait ainsi la première fois en plus d’un siècle que le parti du Président nouvellement élu ne contrôle pas le Congrès. En cas d’impasse persistante à Washington, la situation actuelle resterait quasiment inchangée, ce qui devrait se traduire par la poursuite d’une croissance économique modérée et par l’absence de changements radicaux dans les perspectives. De ce point de vue, l’élection de Clinton devrait constituer la meilleure issue pour les investisseurs.
Echanges internationaux
Les échanges commerciaux internationaux sont un domaine dans lequel sa position reste ambiguë. Partisan de longue date du libre-échange, la candidate Clinton a promis des modifications aux traités de libre-échange transpacifique (TPP) et transatlantique (TTIP), cherchant à attirer les sympathisants de Bernie Sanders et à limiter la popularité de Trump sur cette question. Il s’agit-là d’un sujet (de même que la réforme de l’impôt sur les sociétés, dont elle a jusqu’ici peu parlé) sur lequel les Républicains et Clinton pourraient théoriquement trouver un terrain d’entente, reflétant le sentiment répandu selon lequel les avantages du libre-échange ont été inégalement répartis. De fait, la nouvelle politique commerciale américaine pourrait avoir un impact significatif sur l’économie mondiale et sur les stratégies d’investissement.
L’auteur est Chief Investment Officer chez Theodoor Gilissen, société du réseau KBL European Private Bankers, également présent en Belgique sous le nom de Puilaetco Dewaay
Opinion : Le monde sous Hillary
16 septembre 2016