Cesar Perez Ruiz
Les investisseurs ne manquent pas de sujets d’inquiétude, à commencer par un risque géopolitique qui demeure élevé. La Corée du Nord poursuit son programme nucléaire malgré les menaces proférées par les Etats-Unis, et si un conflit armé nous semble peu probable, ni le risque d’un mauvais calcul ni celui d’une détérioration de la relation clé entre les Etats-Unis et la Chine ne sont à écarter.
L’administration Trump continue d’inquiéter par son caractère dysfonctionnel et imprévisible et il n’est pas exclu qu’en l’absence de réalisations majeures sur le plan législatif, le président américain tente de faire remonter une popularité en berne en prenant des mesures protectionnistes.
En France, la popularité du président Macron s’effrite elle aussi, bien que les marchés n’aient pas lieu de s’en alarmer tant qu’il maintient le cap des réformes (et celle engagée sur le marché du travail semble bien partie). Par ailleurs, le temps presse concernant les négociations sur le Brexit, sachant qu’il reste à peine un an pour parvenir à une entente sur les conditions du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, afin de permettre une ratification d’ici mars 2019 et d’éviter une sortie sans accord. (Un compromis sur une période de transition assortie de l’accès continu au marché unique sera probablement trouvé, mais les risques sont importants.)
Par ailleurs, le risque de catastrophes naturelles s’accroît sous l’effet du réchauffement climatique. Les récents ouragans perturbent les statistiques américaines à court terme, bien que l’impact de tels événements sur la performance économique des Etats-Unis soit en général très limité.
Un calme apparent trompeur…
Malgré ces inquiétudes, les marchés actions demeurent sereins. La volatilité reste à un niveau historiquement faible, l’indice VIX (qui mesure la volatilité implicite du S&P 500) oscillant autour de 10. Mais ce calme apparent est trompeur, certaines tendances laissant penser que la volatilité sous-jacente commence déjà à augmenter.
Les monnaies sont le maillon faible. La forte baisse du dollar par rapport à d’autres grandes monnaies et celle du franc suisse face à l’euro posent aux investisseurs un problème épineux. Signe des tensions sur le marché des changes, leur volatilité implicite diverge de celle des obligations depuis juillet environ, alors qu’elle a tendance à évoluer de concert en temps normal. Les monnaies semblent constituer une soupape permettant d’évacuer les pressions qui, autrement, risqueraient de plus peser sur les marchés.
De plus, bien que la volatilité des actions reste faible au niveau indiciel, la dispersion sectorielle est importante. Dans le cas du S&P 500 par exemple, les performances varient considérablement depuis le début de l’année entre les valeurs de la technologie, en hausse de près de 30%, et celles du pétrole et du gaz, en baisse d’environ 15% (en dollars US). Des innovations révolutionnaires et des opérations de fusion-acquisition d’ampleur ajoutent aux perturbations sectorielles, comme en témoignent les pressions qu’Amazon commence à exercer sur les acteurs de la grande distribution suite à son rachat de Whole Foods.
Les marchés actions devraient néanmoins rester bien ancrés tant que la croissance économique et celle des bénéfices resteront solides (comme l’anticipe notre scénario de base jusqu’à fin 2017 et pour 2018), sans compter l’absence d’alternatives convaincantes.
Cela étant, nous sommes persuadés que la volatilité va augmenter. Son faible niveau ces dernières années tient en grande partie aux politiques ultra-accommodantes des banques centrales. Mais ces dernières s’apprêtent désormais à y mettre un terme, à commencer par la Réserve fédérale américaine, qui a confirmé lors de sa réunion de septembre sa décision d’amorcer la réduction de son bilan en octobre. La Banque centrale européenne devrait elle aussi entamer la diminution progressive de son programme d’achat d’actifs en 2018.
Il demeure donc important de bien se couvrir contre le risque géopolitique, avec deux principales solutions: via l’achat d’or ou de protections pour les allocations en actions. Comme nous restons positifs à l’égard des actions et comme la hausse de l’or cette année est due en grande partie à l’affaiblissement du dollar, nous avons choisi d’acheter de la protection pour nos allocations en actions au niveau des portefeuilles discrétionnaires.
Cesar Perez Ruiz est Directeur des investissements chez Pictet Wealth Management
Affronter les perturbations
19 octobre 2017