La semaine prochaine, nous célébrerons la Journée de l’Europe. Le 72ème anniversaire de notre Union. Cette journée de l’Europe sera entièrement consacrée à l’Union du futur, à comment nous pouvons la rendre plus forte, plus robuste et plus proche de ses citoyens. Mais nous ne pouvons, à nous seuls, apporter la réponse à toutes ces questions. La réponse vient également d’Ukraine. Elle vient de Kharkiv, où les services ukrainiens de secours de première ligne s’aventurent dans la zone de combat pour aider les personnes blessées lors des attaques russes. Elle vient de petites villes comme Boutcha, où les survivants font face aux atrocités commises contre des civils par des soldats russes. Et elle vient de Marioupol, où les Ukrainiens résistent face à des forces russes nettement supérieures en nombre. Tous se battent pour réaffirmer des idées fondamentales: que c’est à eux, et pas à un dirigeant étranger, de décider de leur propre avenir. Que c’est le droit international qui compte, pas la loi du plus fort. Et que Poutine doit payer le prix fort pour sa brutale agression.
L’avenir de l’Union européenne s’écrit donc aussi en Ukraine. C’est pourquoi, aujourd’hui, j’aimerais aborder deux sujets. Tout d’abord, les sanctions et, ensuite, l’aide et la reconstruction. Nous présentons aujourd’hui le sixième train de sanctions. Premièrement, nous établissons la liste des officiers militaires de haut rang et des autres personnes qui ont commis des crimes de guerre à Boutcha et qui sont responsables du siège inhumain de la ville de Marioupol. Nous adressons ainsi un autre signal fort à tous ceux qui mènent la guerre du Kremlin: nous savons qui vous êtes, et vous devrez rendre compte de vos actes. Deuxièmement, nous excluons du système SWIFT la Sberbank – de loin la première banque de Russie –, ainsi que deux autres grandes banques. Ce faisant, nous frappons des banques d’une importance systémique essentielle pour le système financier russe et la capacité de Poutine à détruire. Cela renforcera l’isolement total du secteur financier russe par rapport au système mondial. Troisièmement, nous bloquons l’accès de nos ondes à trois grands radiodiffuseurs d’État russes. Ils ne seront plus autorisés à distribuer leurs contenus dans L’Union européenne d’aucune manière, que ce soit par le câble, par satellite, via l’internet ou par des applications sur smartphone. Nous avons identifié le rôle d’organes de propagande de ces chaînes de télévision, qui amplifient d’une manière agressive les mensonges de Poutine. Nous ne devons plus leur laisser le champ libre pour répandre ces mensonges. En outre, le Kremlin fait appel à des experts-comptables, à des consultants et à des conseillers en communication européens. Nous allons y mettre fin. Nous interdisons la fourniture de ce type de services à des sociétés russes.
Mon dernier point concernant les sanctions: lorsque les dirigeants se sont réunis à Versailles, ils sont convenus de se défaire progressivement de notre dépendance à l’égard de l’énergie russe. Dans le dernier train de sanctions, nous avons commencé par le charbon. Nous nous attaquons maintenant à notre dépendance à l’égard du pétrole russe. Soyons clairs: ce ne sera pas facile. Certains États membres sont fortement dépendants du pétrole russe. Mais nous devons tout simplement y travailler. Nous proposons désormais une interdiction du pétrole russe. Il s’agira d’une interdiction complète des importations de tout le pétrole russe, transporté par voie maritime ou par oléoduc, brut et raffiné. Nous veillerons à abandonner progressivement le pétrole brut, de façon ordonnée, d’une manière qui nous permettra à nous et à nos partenaires de mettre en place d’autres voies d’approvisionnement et qui réduira au minimum l’impact sur les marchés mondiaux. C’est la raison pour laquelle nous renoncerons progressivement aux livraisons russes de pétrole brut dans les six mois et à celles de produits raffinés d’ici à la fin de l’année. Nous exercerons ainsi une pression maximale sur la Russie, tout en réduisant au minimum les dommages collatéraux pour nous et nos partenaires dans le monde. Parce que, pour pouvoir aider l’Ukraine, il faut que notre propre économie reste forte.
Grâce à toutes ces mesures, nous privons l’économie russe de sa capacité de diversification et de modernisation. Poutine voulait rayer l’Ukraine de la carte. Il est évident qu’il n’y parviendra pas. Au lieu de cela: l’Ukraine s’est levée comme un seul homme. Et c’est son propre pays, la Russie, qu’il est en train de faire sombrer.
Nous voulons que l’Ukraine gagne cette guerre. Mais nous voulons aussi mettre en place les conditions nécessaires à la réussite de l’Ukraine après la guerre. La première étape consiste à lui apporter une aide immédiate. Il s’agit de fournir un soutien économique à court terme pour aider les Ukrainiens à faire face aux conséquences de la guerre, comme nous le faisons avec nos mesures d’assistance macrofinancière et notre appui direct au budget ukrainien. En outre, nous avons récemment proposé de suspendre pendant un an tous les droits à l’importation sur les exportations ukrainiennes à destination de l’Union. Je suis sûre que le Parlement européen apportera tout son soutien à cette proposition. Mais cela ne suffit pas en matière d’aide à court terme. Le PIB de l’Ukraine devrait chuter de 30 % à 50 % rien que sur cette seule année. Et le FMI estime qu’à partir de mai, l’Ukraine aura besoin de pas moins de 5 milliards d’euros chaque mois, juste pour pouvoir continuer à fonctionner, payer les pensions et les salaires et financer les services de base. Nous devons l’aider, mais nous ne pouvons le faire seuls. Je salue l’appui budgétaire massif annoncé par les États-Unis. Et nous, en tant qu’Équipe Europe ferons également notre part.
Ensuite, dans un deuxième temps, un effort plus vaste de reconstruction sera nécessaire. L’ampleur des destructions est colossale. Les hôpitaux et les écoles, les logements, les routes, les ponts, les voies ferrées, les théâtres et les usines – il y a tant à reconstruire. Dans le brouillard de la guerre, il est difficile de formuler une estimation précise. Les économistes parlent de plusieurs centaines de milliards d’euros. Et les coûts augmentent au fil des jours de cette guerre insensée.
L’Europe a une responsabilité très particulière envers l’Ukraine. Avec notre aide, les Ukrainiens peuvent reconstruire leur pays pour la prochaine génération. C’est pourquoi je vous propose aujourd’hui de commencer à travailler à un plan de relance ambitieux pour nos amis ukrainiens. Ce plan devrait attirer des investissements massifs pour répondre aux besoins et mener à bien les réformes nécessaires. Il devrait remédier aux faiblesses existantes de l’économie ukrainienne et jeter les bases d’une croissance durable à long terme. Il pourrait établir un système d’étapeset de cibles à même de garantir que les fonds européens seront réellement dépensés au profit de la population ukrainienne et dans le respect des règles de l’UE. Il pourrait aider à lutter contre la corruption, à aligner l’environnement juridique sur les normes européennes et à moderniser radicalement la capacité de production de l’Ukraine. Tout cela apportera la stabilité et la sécurité nécessaires pour faire de l’Ukraine une destination attrayante pour les investissements directs étrangers. Et, à terme, ce plan ouvrira la voie à l’avenir de l’Ukraine au sein de l’Union européenne.