Et si la BCE avait échoué ?
Et si nos autorités monétaires étaient empêtrées dans une situation inextricable, qui explique – et je pèse mes mots – la défiance que le monde financier commence à exprimer par rapport à l’euro et à la capacité de la zone euro à susciter une croissance satisfaisante. Car, ne soyons pas naïfs : une monnaie qui chute de près de 20 % en quelques mois sans qu’aucune action d’envergure n’ai été mise en œuvre par sa banque centrale, c’est opportun pour la capacité exportatrice mais c’est rare.
C’est surtout le signe d’un contexte récessionnaire et déflationniste. Bien sûr, on argumentera que les marchés anticipent un assouplissement quantitatif qui permettra peut-être de réinsuffler un peu d’inflation à la zone euro. Mais, au fond de nous, nous le savons : la BCE a échoué. Beaucoup a été dit. Peu a été fait et trop tard. Les responsables de la BCE ont martelé la nécessité d’assurer une crédibilité de leur institution. Mais une crédibilité par rapport à quoi ? Au mandat ? A la gestion du contexte économique ? A leur capacité de prospective, qui s’est incidemment avérée déficiente ? A nouveau, lorsqu’on parle d’un assouplissement quantitatif, on cite un chiffre de 500 milliards d’euros alors que pour revenir au niveau bilantaire qu’elle avait assuré atteindre, la BCE devrait le faire pour 1.000 milliard d’euros. On imagine ses dirigeants, virevoltants de réunions en communiqués de presses et compromis. Ils ont dû prendre des décisions dans des contextes extrêmement compliqués.
Mais où sommes-nous ? Où nous ont-ils amenés ?
La BCE devait jouer un rôle incitatif dans cette crise. Elle devait apporter la liquidité quand c’était nécessaire. Elle est aujourd’hui amenée, contre son gré, à faire ce qu’elle n’a jamais pensé devoir effectuer, à savoir un refinancement des Etats. C’est donc la solvabilité des Etats et non la liquidité que la BCE apportera. Si les dirigeants européens avaient fait preuve de clairvoyance et d’intuition élémentaire, ils auraient compris qu’il fallait inflater et non désinflater nos économies et éviter de mettre en œuvre une rigueur budgétaire au pire moment.
Chaque jour qui passe me persuade donc que les autorités monétaires et politiques ont raté une chance unique. Et peut-être que la triste leçon de l’histoire réside dans cet échec, dont j’ai souvent partagé l’intuition dans ce blog : l’Europe pouvait mettre en commun ce qui était nécessaire pour ancrer la paix, mais pas la symbolique ultime de la confiance régalienne, à savoir la monnaie. Car, jamais on n’a vu de monnaie qui ne corresponde à une souveraineté territoriale et à l’expression conjuguée de la dette et de l’impôt.
Bruno Colmant