Et si la politique monétaire dérivait ?
Depuis plus d’un an, la Banque Centrale Européenne (BCE) achète des obligations d’Etat pour créer de la monnaie. Des dettes publiques garantissent donc un bien public. Mais, depuis un mois, la BCE a étendu son rachat de titres à des dettes d’entreprises. Que penser de cette évolution qui rend extrêmement perplexe la plupart des économistes, y compris au sein des banques centrales qui se demandent elles-mêmes si la politique monétaire ne s’emballe pas dans sa propre dynamique ?
On pourrait argumenter que de telles obligations privées pourraient, si elles étaient acquises par des banques commerciales, contribuer au flux monétaire au travers du multiplicateur du crédit. On pourra aussi argumenter que le gisement des obligations d’Etat destinées à être refinancées par la BCE se tarit.
Mais ici, on franchit une étape supplémentaire en garantissant la monnaie par des actifs privés qui ne sont, par nature, pas exempts de risques.
Et puis, quelle est la signification de cette politique monétaire qui va conduire des émetteurs internationaux à émettre en euros pour voir leurs titres émis à taux d’intérêt minuscules refinancés par la BCE ? Quel est l’impact sur l’économie réelle ? Quelle est la relation avec la stimulation de la croissance et de l’inflation ? Je ne sais pas.
A mon intuition, il aurait mieux valu que la BCE achète auprès des banques commerciales des crédits destinés à stimuler l’investissement privé (prêts hypothécaires par exemple) ou des obligations destinées à financer des infrastructures publiques ou privées essentielles. On aurait alors pu imaginer une relation entre la politique monétaire et la croissance économique.
Aujourd’hui, je crains que la BCE commence à s’égarer.
Bruno Colmant