Alain Deladrière
La Cour de Justice de l’Union européenne de Luxembourg a rendu récemment un arrêt de principe qui a pour effet de priver dorénavant la France du droit de prélever des contributions sociales sur les revenus du patrimoine des personnes affiliées auprès de caisses étrangères de sécurité sociale.
Cette décision ouvre la voie à un raz-de-marée de réclamations fiscales de la part des milliers de contribuables frontaliers qui ont été à tort soumis aux prélèvements sociaux. En 2000, la Cour de Justice de l’Union européenne avait déjà jugé que le prélèvement de la CSG et de la CRDS sur les revenus d’activité et de remplacement des travailleurs résidant en France mais soumis à la législation de sécurité sociale d’un autre État membre était « incompatible tant avec l’interdiction du cumul des législations applicables en matière de sécurité sociale, consacrée à l’article 13, paragraphe 1, du règlement n°1408/71, qu’avec la libre circulation des travailleurs et la liberté d’établissement garanties par le traité ».
La France s’est depuis conformée à cette décision. Restait cependant en suspens le sort des prélèvements sociaux opérés sur les revenus du capital. La Cour de Luxembourg a tranché la question en faveur du contribuable.
C’est à un ressortissant néerlandais domicilié en France mais exerçant son activité professionnelle aux Pays-Bas que l’on doit cette décision qui devrait contenter les plus de 300.000 frontaliers qui relèvent actuellement du régime social du pays dans lequel ils travaillent. Ce dernier avait en effet contesté devant le juge administratif le fait que la France soumette la rente viagère qu’il percevait aux Pays-Bas aux différentes contributions sociales (CSG / CRDS et autres cotisations sociales) au taux global imposable de 15,5 %.
Saisie d’une question préjudicielle par le Conseil d’Etat, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’en application du principe de l’unicité de la législation sociale applicable, il est interdit d’exiger d’une personne qu’elle paie des contributions sociales dans un Etat autre que l’Etat dont elle relève pour son régime de sécurité.
Les personnes concernées par la décision
La décision de la Cour de Justice de l’Union européenne a vocation à s’imposer à la France pour les revenus du patrimoine et pour les personnes physiques se trouvant dans l’une ou l’autre des situations suivantes :
Cas n°1 : Frontalier actif résidant en France mais dépendant pour sa protection sociale de la législation sociale du pays dans lequel il travail (Etat membre de l’Union européenne + Suisse puisque les règles communautaires relatives à la coordination des systèmes de sécurité sociale s’appliquent à la Confédération helvétique depuis le 1er avril 2012), et ceci pour l’ensemble des revenus du patrimoine.
Cas n°2 : Personne résidente d’un autre Etat membre ou de la Suisse et relevant de la législation sociale de cet Etat mais qui détient des biens immobiliers en France, pour les revenus tirés de ces biens (revenus locatifs ou plus-value en cas de vente). Il faut savoir également que la Commission européenne a introduit une procédure d’infraction contre la France en raison de l’extension de la CSG et de la CRDS aux revenus immobiliers perçus par les non-résidents (procédure EU Pilot 2013/4168).
Source: Cabinet d’Avocats Goffin van Aken
Photo: Cour de Justice de l`Union européenne
Frontaliers : La Cour de Justice de l’UE prend le contre-pied du fisc français
03 mars 2015