Christophe Donay
La Fed a finalement décidé de relever ses taux d’intérêt maintenus jusqu’à présent à des niveaux historiquement bas. La réaction des marchés a été d’autant plus modérée que cette hausse très attendue avait déjà été intégrée dans les prix des classes d’actifs. Mais comme nous l’affirmons depuis longtemps, l’attention va désormais se porter sur le rythme et le calendrier de la suite du programme de resserrement monétaire, ce qui génèrera un regain de volatilité en 2016.
Comme nous l’avions prévu, la Réserve fédérale américaine (Fed) a relevé hier les taux d’intérêt à court terme pour la première fois en près de dix ans, augmentant la fourchette cible pour le taux des Fed funds de 25 points de base (pb) à 0,25-0,50%.
L’attention va désormais se porter sur les mesures à venir. Nous anticipons un resserrement monétaire très progressif, avec seulement deux relèvements supplémentaires de 25 pb chacun en 2016, qui feront passer la fourchette cible à 0,75-1,00% à la fin de l’année. Ce rythme est plus lent que les trois augmentations de taux prévues par le consensus pour 2016. Nous estimons que l’appréciation du dollar et l’élargissement des spreads sur les obligations d’entreprises dissuaderont la Fed d’adopter un rythme de resserrement monétaire plus agressif.
De plus, la Fed a souligné que sa politique reste liée aux statistiques économiques et qu’elle gardera les yeux fixés sur l’inflation mesurée par les dépenses personnelles de consommation (PCE). Cet indice se situe aujourd’hui à 1,3%, bien en dessous de l’objectif de 2%. L’évolution de l’inflation aux Etats-Unis en 2016 restera un indicateur essentiel pour les marchés.
Accentuation de la divergence des politiques monétaires
La politique monétaire restera en conséquence très accommodante, avec des taux d’intérêt bien en dessous du taux de croissance du PIB, la Fed cherchant à conserver des conditions de financement favorables pour soutenir la croissance. Cependant, son efficacité à cet égard sera freinée par les déséquilibres créés par la désynchronisation des politiques monétaires des principales banques centrales. Les décisions annoncées en décembre accentuent la divergence entre la Fed et la Banque centrale européenne (BCE), cette dernière ayant poussé ses taux encore plus loin en territoire négatif et annoncé une extension de son programme d’assouplissement quantitatif. Il devrait en résulter, même si le dollar s’est déjà beaucoup apprécié, une nouvelle hausse du billet vert en 2016.
L’impact immédiat du resserrement monétaire de la Fed sur les marchés a été très limité, le relèvement prudent des taux ayant été largement anticipé et pleinement intégré dans les prix des classes d’actifs. Ce facteur a contribué à l’élargissement récent des spreads sur les obligations d’entreprises, notamment les obligations américaines à haut rendement, et les relèvements de taux successifs pousseront les spreads plus loin en 2016.
Notre scénario central reste inchangé pour l’année prochaine. Des conditions monétaires moins accommodantes contribueront à une croissance américaine dénuée de momentum, que nous prévoyons à 2,3% en 2016, peu différente de notre estimation de 2,5% pour 2015. La croissance économique et la croissance des bénéfices des entreprises (que nous anticipons en hausse de seulement 5% pour le S&P 500 en 2016) manquant de momentum, et les valorisations se situant en zone d’excès, le potentiel de rentabilité des marchés actions des pays développés sera limité à environ 7 à 10% (dividendes compris). Les actions européennes devraient surperfomer les actions américaines, la reprise économique en zone euro étant moins avancée et la politique monétaire plus accommodante.
Les incertitudes entourant le calendrier et l’ampleur du resserrement monétaire de la Fed, combinées aux déséquilibres créés par la désynchronisation des politiques monétaires des banques centrales, provoqueront un regain de volatilité sur les marchés financiers en 2016. Une diversification robuste sera donc d’autant plus importante. Nous prévoyons une hausse progressive à 2,7% des taux des obligations du Trésor américain à 10 ans d’ici la fin 2016 suite au resserrement de la politique monétaire. Toutefois, les bons du Trésor américain resteront probablement attrayants pour protéger les portefeuilles contre les chocs sur les marchés financiers. Si le relèvement historique des taux d’intérêt de la Fed est passé en douceur, le calme risque cependant de ne pas durer longtemps sur les marchés.
Christophe Donay, Responsable de l’allocation d’actifs et de la recherche macroéconomique, Pictet Wealth Management
Source : Pictet