Alain Deladrière
Lors d’un symposium organisé au Palais d’Egmont à Bruxelles, Transparency International Belgium a invité la profession comptable et ses parties prenantes. Au programme, le rôle crucial joué dans la lutte contre la corruption. A cette occasion, Mark Thompson a parlé du rôle et de l’action du Serious Fraud Office (SFO) au Royaume-Uni dont il est le Chief Operating Officer.
Le SFO a été établi en vertu de la Loi de justice pénale de 1987 suite aux recommandations de l’Independent Fraud Trials Committee (Comité indépendant de jugement de la fraude), présidé par Lord Roskill. Il dispose d’une configuration et d’une capacité uniques – « le modèle Roskill » – pour détecter, enquêter et poursuivre le plus haut niveau de fraude grave et complexe, la corruption et le blanchiment d’argent connexe. Cela comprend la récupération des produits de la fraude grave ou complexe et de la corruption. Son action couvre les juridictions en Angleterre, au Pays de Galles et en Irlande du Nord (pas en Écosse). Le SFO est un département gouvernemental indépendant et non ministériel dirigé par le directeur, David Green CB QC, opérant sous la direction du procureur général.
Modèle opérationnel
Le SFO dispose d’équipes multidisciplinaires comprenant des avocats, des enquêteurs, des experts-comptables et d’autres spécialistes, y compris des avocats externes (barristers) Tous travaillent ensemble dès le début d’une affaire dirigée par un Case Controller. Les avantages ? La mainmise continue tout au long de l’enquête et des poursuites, une stratégie d’enquête et de poursuite claire et alignée, un accès efficace aux expertises ainsi qu’un contrôle juridique rigoureux.
Structure et capacités
Le SFO emploie 480 personnes réparties en cinq divisions couvrant la fraude et la corruption. Ils effectuent entre autres des enquêtes de confiscation, de recouvrement civil et de blanchiment de capitaux.
Le SFO dispose d’une unité de renseignement et d’une unité d’assistance internationale (MLA). Elle peut en outre compter sur une unité de criminalistique numérique de pointe avec des capacités permettant d’extraire, stocker et filtrer des téraoctets de données ainsi que sur une unité graphique pour faciliter la présentation de preuves complexes aux jurés devant les tribunaux.
Critères d’acceptation
Le Directeur décide personnellement des cas pouvant ouvrir une enquête. En décidant de procéder ou non à une enquête, le Directeur du SFO examine si une affaire: porte atteinte à l’intégrité du Royaume-Uni comme un lieu sûr permettant de faire des affaires en général et la Ville de Londres en particulier, implique une perte financière réelle ou potentielle élevée, provoque des dommages réels ou potentiels significatifs, revêt un élément d’intérêt public très important, constitue une nouvelle espèce de fraude.
Y a-t-il une action transfrontalière entre les bureaux qui luttent contre la corruption et la fraude?
« Oui. Nous faisons beaucoup de travail au niveau international. Nous avons de très bonnes relations à l’étranger, car dans de nombreux cas, l’échange d’informations est obligatoire. Si nous avons de bonnes relations avec certaines juridictions, certains pays dans le monde ne sont pas si enthousiastes à l’idée d’exposer la corruption dans leur propre pays. Nous ne recevons aucune réponse ou cela se déroule très lentement … mais en général, la situation est meilleure aujourd’hui qu’il y a 10 ans. Je pense en tout cas que la criminalité transfrontalière comme la corruption est très difficile à combattre à moins de développer une coopération. »
En Europe, la lutte contre la corruption est-elle bien organisée?
«Cela varie un peu. Le mécanisme existe déjà. Mais différents états ont des règles différentes. La Belgique n’a pas l’équivalent du Serious Fraude Office par exemple. Les réponses que nous pouvons recevoir ne sont pas nécessairement les mêmes d’un pays à l’autre. Mais le niveau de coopération entre les forces de police est très bon en général et rapide car ils sont habitués à ce genre d’action. »
Que pensez-vous du rôle des comptables dans la lutte contre la corruption?
«Face à des personnes avec lesquelles les comptables travaillent, ils ont la possibilité si ces personnes n’ont pas tout dit et qu’ils sont conscients qu’il existe des signes clairs de corruption, de fraude, de blanchiment d’argent d’y réfléchir et lorsqu’ils sont en mesure légalement de le signaler.
Il existe en Belgique une sorte de clause de confidentialité. Ce n’est pas le cas en Angleterre. Nous ne sommes pas liés par cela. En Angleterre, si vous êtes dans un secteur réglementé comme celui d’un comptable ou d’un avocat et que vous établissez un rapport, il n’y a aucun problème à ce sujet, pas de violation du contenu.
Mon rôle est spécifique au sein du SFO. J’ai participé à la discussion avec des organismes comptables au Royaume-Uni. Ils souhaitent faire plus et veulent collaborer à l’application de la loi, être considérés comme de bons citoyens. J’imagine que les comptables en Europe sont dans la même position. Je pense en tout cas que c’est la direction prise. Toute la profession évolue. »