Bruno Colmant

Bruno Colmant

Professeur d'économie à l'université. Membre de l'Académie royale de Belgique. Stratège. Écrivain. Conférencier.

Le traitement fiscal delirant des « spin-off »

26 décembre 2016

Quiconque investit en actions, et spécifiquement dans des titres américains, sait que les entreprises se composent et se décomposent au gré des évolutions de leurs métiers. Aux Etats-Unis, les entreprises sont poreuses aux modifications corporatives, acquérant ou cédant des branches d’activités afin d’optimaliser le coût du capital. C’est aussi le cas en Europe, quoique ce soit plus rare. Pour les sociétés cotées, la cession d’activités prend souvent la forme d’une spin-off. Sans entrer dans les méandres juridiques de l’opération, il s’agit d’extraire une partie des activités de l’entreprise et de les loger dans une entité séparée. A titre illustratif, l’entreprise américaine Yum ! Brands qui gère les réseaux de fast food Pizza Hut, Taco Bell et KFC (l’ancien Kentucky Fried Chicken) vient récemment de séparer ses activités chinoises en les localisant dans une entité Yum China Holding.

L’entreprise a donc extrait de ses actifs et passifs une partie de ses activités qui sont désormais cotées dans une entreprise distincte. Cela ne crée aucune valeur actionnariale puisque la substance de l’entreprise n’en est pas modifiée. En effet, le produit d’une spin-off, c’est-à-dire ce qui est détaché de l’entreprise, n’est pas un revenu puisqu’il ne s’agit pas du fruit d’un actif sans altération de sa substance. C’est, en effet, la substance de l’entreprise qui est décomposée.

Si les choses sont limpides sous l’angle économique, le volet fiscal d’une spin-off relève du délire le plus complet. En effet, sauf à de rares exceptions, les autorités fiscales assimilent la partie de l’entreprise qui fait l’objet d’une spin-off à un dividende soumis au précompte mobilier. On confond donc un revenu et un capital. Et on confond un dividende à ce qui pourrait s’apparenter, de loin en loin, à une action de bonus.

A titre d’exemple, si une entreprise de valeur boursière 100 se sépare en deux entités de parts égales, c’est-à-dire 50, la partie de l’entreprise qui fait l’objet d’une spin-off, soit 50, est soumise au précompte mobilier de bientôt 30 %. Un prélèvement de 15, soit 30 % appliqué au montant de 50, est donc porté au débit du compte de l’actionnaire, alors qu’il ne bénéficie d’aucun enrichissement, ni d’un quelconque revenu. A l’extrême, on pourrait imaginer qu’une entreprise de valeur 100 effectue une spin-off de la quasi-totalité de ses activité pour un montant de 99. Dans ce cas, un précompte de 30 % sur 99 s’appliquerait. Tout cela relève de la démence fiscale et surtout ne respecte pas une élémentaire équité fiscale. Le précompte retenu est, dans la plupart des cas, indu. Dans la plupart des cas, cela s’assimile à une scandaleuse injustice. Pour y échapper, le contribuable doit céder ses titres avant l’opération de spin-off et en racheter les composants au terme de l’opération. Mais, malheureusement, cela entraîne des frais importants (courtage et TOB) sans tenir compte du fait que le rachat de titres peut devoir s’effectuer à un cours plus important.

Quelle est la réponse de l’administration à cette évidente erreur d’appréciation ? Elle se réfère à une lapidaire circulaire Ci.RH.231/620.626 du 3 décembre 2012 qui, de manière alambiquée, précise que « le précompte mobilier n’est pas prélevé si la distribution de titres correspond à un remboursement de capital libéré opéré en exécution d’une décision régulière de réduction du capital social prise conformément aux dispositions du Code des sociétés (ou de dispositions analogues de droit étranger) ». On le voit : on donne une mauvaise réponse à une question mal posée puisque la plupart des spin-off américaines ne relèvent pas d’une logique comparable à ce qui est effectué en Belgique.

Et à une récente question parlementaire s’inquiétant de cette erreur d’appréciation (question écrite de Rik Daems du 27 novembre 2014), le Ministre de l’époque répondit qu’il comprenait que, dans certaines situations, cela débouchait sur l’application d’un précompte mobilier alors qu’il n’y avait pas d’enrichissement. Le Ministre a donc reconnu l’incongruité en précisant, comme toujours, qu’une solution allait être trouvée, ce qui revient à dire, en langage codé administratif belge, que le dossier est placé dans un tiroir dont la clé est jetée au fond d’un puits un jour sans lune. Et qu’on la cherche toujours…

 

  • Franz Slamar

    Bonjour,
    Sujet : spin off de vivendi du 19/09/21
    N’ayant pas vendu mes actions vivendi avant la spin off, l’opération s’est effectuée ;
    Double taxation de UMG sur un prix de 25.5€ puis corrigé à 25.25 € et retrait de mon compte bancaire d’une somme pour obtention des actions UMG, opération sans mon consentement !
    A ma question au banquier : réponse ci-dessous
    Quand vous recevez des liquidités d’un titre pour un Spin Off ceci est pour payer les nouvelles parts du titre qui fait également parti du Spin Off.
    Ceci n’est pas vu comme un dividende, mais a quand même un précompte mobilier belge et étranger (si d’application).
    Est-ce bien exacte ? Suis-je obligé de racheter les actions UMG ?
    Je vous remercie d’ores et déjà pour votre point de vue .
    Bien à vous . Slamar Franz

Laissez une réponse

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués *