Le vingtième siècle est mort
Avec quinze ans de retard, le deuxième millénaire est abouti. Ces dernières années sont une charnière qui grince lourdement en refermant un monde délimité, émanant de la stabilisation géographique de l’après-guerre. Certes, depuis la guerre, des régimes ont changé, des empires ont explosé et des mutations économiques gigantesques ont enseveli des régimes anciens. L’humanité connait une accélération technologique stupéfiante au rythme de l’accroissement de sa population, sans être capable de gérer la finitude des ressources et l’accumulation inconséquence d’un passif environnemental. Des maladies ont été éradiquées et l’espérance de a été déployée dans de nombreux pays. Dans de nombreuses régions, les bienfaits du progrès se déposent afin que la vie s’épanouisse avec plus de bonheur, même si des pans entiers de l’humanité sont abandonnés à un triste sort.
Aujourd’hui, nous ne ressentons pas une péripétie de l’histoire. Nous entrons dans un monde inconnu et ténébreux.
Les nations, essentiellement délimitées par les frontières du 19ème siècle, se diluent au profit de pôles géographiques, qui fondent eux-mêmes une synthèse de langues et de cultures. On verra apparaître des mégapoles urbaines dissociées des délimitations politiques actuelles. Ceci ramène à un philosophe français, Alain Minc, qui anticipait, dès 1993, dans son ouvrage « Le nouveau Moyen-âge », des continents polymorphes dépouillés de systèmes organisés, la disparition de tout centre de gravité, c’est-à-dire un monde caractérisé par l’indétermination et le flou. Optiquement, le monde se réorganise au gré des concentrations de capitaux, comme un immense kaléidoscope, aux figures nomades sans cesse renouvelées.
Cette réorganisation du monde ne suit plus uniquement les peuples, mais aussi les religions. Le monde devient une gigantesque fluence de peuples et de cultures. Cette mutation n’est pas soyeuse car certains veulent inscrire des dictatures et des terreurs dans les fissures de cette transmutation.
Devant cette rupture civilisationnelle, tous les scénarios, sauf un, sont entropiques, c’est-à-dire tendant vers le désordre et la dégradation. La seule solution viable est, comme le suggérait Attali, l’hyper-démocratie, c’est-à-dire une mondialisation contenue sans être refusée. Cette hyper-démocratie ne signifie pas des pouvoirs étatiques forts. Au contraire, la démocratie a besoin d’Etats forts qui en assurent la pérennité.
Bruno Colmant