Par Thomas Planell
Après le rachat des minoritaires d’Altice par Patrick Drahi, c’est au tour de Xavier Niel d’arracher Iliad aux marchés, quelques semaines après le succès de l’offre faite par BPCE aux actionnaires de Natixis. Dans le secteur des matériaux, la famille propriétaire d’une grande partie du capital du leader mondial des moquettes et vinyles Tarkett, qui vient de publier des résultats marqués par une hausse notable des couts liés aux matières premières, a également décidé de retirer l’entreprise de la bourse, dix ans après l’y avoir introduite.
Ce phénomène est loin d’être une spécialité française : au Royaume-Uni, le rythme des retraits de cote n’a jamais été aussi élevé depuis la crise de 2007 : plus de 30 opérations y ont déjà abouti. Mais de l’autre côté de la Manche, les offres émanent davantage de fonds de private equity que de moguls industriels. Face à l’attrait des investisseurs pour ces supports d’investissement non cotés, la réduction du gisement de cibles et la compétition entre les fonds privés, ces derniers se tournent de plus en plus vers la bourse tout en revoyant leurs critères de taille ou de secteur d’activité. Le Royaume-Uni, dont la devise et les actions ont souffert depuis le référendum de 2016 attire tout particulièrement les fonds d’investissement privés. Parmi les dernières offres de reprise, celle de Fortress sur Morrisons aurait de quoi faire bondir les autorités en France : elle propose de faire passer sous pavillon privé ce distributeur qui emploie plus de 100.000 personnes en Angleterre, l’équivalent de Carrefour, premier employeur privé de l’Hexagone. Au milieu d’une saison de résultats de très bonne facture (parmi la moitié des sociétés du Stoxx600 à avoir publié, plus des deux tiers d’entre elles ont dépassé les attentes des analystes) ces offres de rachats sur tout ou partie des actifs d’un nombre croissant de sociétés cotées s’ajoutent à la reprise du paiement des dividendes et des programmes de rachats d’actions pour soutenir les marchés européens qui résistent particulièrement bien au repli marqué de la bourse de Shangaï.
Cependant, la contre-performance des actions chinoises qui devraient enregistrer en juillet leur pire performance mensuelle depuis 2017 pourrait entraîner des conséquences inattendues pour certains secteurs européens. Tout comme aux Etats-Unis, le repli des actifs financiers chinois n’est jamais de bon augure pour les achats de produits de luxe : ces dépenses sont les premières à être ajustées en cas de baisse du patrimoine des ménages fortunés.
Par ailleurs le secteur technologique (aujourd’hui visé par Beijing en raison de son enrichissement disproportionné par rapport, et parfois au détriment du reste de la population) concentre une partie significative de l’élite économique chinoise. Si rien ne permet de présager d’effets similaires à la campagne anti-corruption menée par Xi Jiping à partir de 2013 (les ventes de cognacs ou de montres de haute horlogerie s’étaient alors effondrées), les groupes de luxe pourraient commencer à manquer de ce supplément de croissance qui leur ont permis d’afficher trimestre après trimestre des résultats exceptionnels.
Comme la marque Gucci, très prisée à Shangaï, le parti communiste chinois célébrait cette année son centième anniversaire… Mais en restaurant la doctrine officielle d’une « prospérité commune et populaire », le PCC pourrait temporairement gâcher la fête de l’industrie du luxe…
Par Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA Thomas Planell, Gérant-analyste chez DNCA