Les vigies
Sans sombrer dans le déclinisme ni les houles de l’actualité, je pense parfois que nous sommes en 1937. Ce fut une année inutile, après le Front Populaire, mais pourtant meurtrière pendant la guerre d’Espagne et le sinistre Guernica. 1937 fut une année intermédiaire, avant le Traité de Munich en septembre 1938. L’histoire ne se répète jamais mais une réalité s’impose depuis le début de l’humanité : seules la croissance économique et la prospérité collective assurent la paix. Dès que l’humain est confronté à la finitude de ses espérances et à la précarité de ses avenirs, ses sombres penchants se raniment.
Nous le savons désormais : l’Europe fut construite en deux temps. Il y eut la période de reconstruction de l’Europe de l’Ouest nécessitée par les dommages de la guerre et l’impérieuse exigence de signer la paix avec d’anciens belligérants qui partageaient des frontières communes. Ensuite, il y eu la désagrégation de l’Union Soviétique et la fragmentation de nouveaux pays dont certains rejoignirent l’Europe. Sous l’angle géographique, les septante années d’après-guerre furent caractérisées par un mouvement centripète dont l’Allemagne était le centre. Aujourd’hui, des forces centrifuges se déploient et entretiennent leur propre dynamique. L’union Soviétique se recompose tandis que des pays qui sont à l’interface de leurs attaches passées et de l’Europe occidentale sont en tangence d’influence.
Partout, la civilité disparait. Partout, les dirigeants économiques et politiques ramènent leurs ambitions au temps court et à une vision de presbytie. Le monde change. Très vite. Et nous ne voyons rien venir. Comme pendant les années inutiles. Comme en 1937. La guerre nous attend-t-elle dans 3 ans. Evidemment que non. Mais l’histoire exige des guetteurs, des vigies, des hommes sur mes mâts qui rappellent le passé pour exorciser de mauvais avenirs.
Bruno Colmant