« Au-delà de la conformité, pensez d’abord aux indemnisations et à l’impact sur votre réputation lorsque vous élaborez un programme d’assurance pour les multinationales », souligne Suresh Krishnan de la compagnie Chubb.
À mesure que de plus en plus d’entreprises européennes accroissent leur présence au-delà de leurs propres frontières et en dehors de l’Europe, les programmes d’assurance des multinationales gagnent en popularité et revêtent un caractère essentiel dans la gestion des risques à l’international. Pour concevoir un programme adapté à cette réalité, le gérer et veiller à ce qu’il évolue de manière performante parallèlement à l’entreprise, les gestionnaires de risques, les courtiers et les assureurs des multinationales travaillent de manière coordonnée et collaborative.
Suresh Krishnan, responsable de la division Global Accounts chez Chubb en Europe, doit veiller à ce que les clients et les courtiers bénéficient pleinement de l’expertise de Chubb en matière de risque et de souscription ainsi que de son réseau et des services des multinationales.
À Bruxelles, il a expliqué sa vision des trois aspects des programmes d’assurance des multinationales que les gestionnaires de risques veulent le plus examiner, selon leurs dires : les polices admises et non admises ; la différence de conditions et la différence de limites (DIC/DIL) et les clauses sur l’intérêt financier. M. Krishnan affirme que la conformité est l’un des nombreux aspects qui définissent un programme d’assurance solide pour multinationale. « Nous pensons que vous devez demander : Où voulez-vous qu’une indemnisation soit payée ? Comment voulez-vous qu’elle soit payée ? Et dans quelle devise ? Qui va gérer l’indemnisation ? Et enfin, où voulez-vous que des polices locales soient émises en fonction des besoins locaux en matière d’indemnisation ? Lorsque vous êtes satisfait des réponses données à ces questions, l’aspect conformité réglementaire et fiscal du programme suivra naturellement », explique-t-il.
Les liquidités doivent suivre le contrat
L’expérience en matière d’indemnisation a permis de tirer des leçons très utiles. Par exemple, l’explosion en 2015 dans le port de Tianjin en Chine a été l’une des pertes causées par l’homme les plus chères de l’histoire. « Nous avons pu tirer énormément d’enseignements de cet événement, que ce soit au niveau de ce qu’il faut acheter sur place ou à l’échelon supérieur ou encore sur la manière de penser locale. De même, nous avons compris qu’il était essentiel d’avoir un gestionnaire local des indemnisations pour adapter et évaluer l’indemnisation, la communiquer et comprendre comment une police complémentaire ou un contrat global acheté en dehors du pays va réagir », explique M. Krishnan.
« Malgré le fait que la Chine soit l’une des juridictions les plus strictes dans le monde et à la lumière des indemnisations de Tianjin payées par les assureurs européens et américains (du fait que la capacité mondiale soit dynamique et que les risques chinois soient assurés par des polices complémentaires ou des contrats globaux conclus en dehors de Chine), nous devrions croire davantage en l’efficacité de la structure des programmes d’assurance des multinationales », remarque M. Krishnan. Les polices locales devraient être obligatoires plutôt que simplement encouragées dans tous les pays où des assureurs qui ne sont pas titulaires d’une licence ne peuvent pas payer des indemnisations localement, et principalement en Chine. Il s’agit d’une pratique de gouvernance d’entreprise prudente pour toute multinationale.
D’autres catastrophes importantes assurées, comme le tsunami japonais et les inondations en Thaïlande, ont renforcé cette vision, selon lui. « Tous ces incidents ont bénéficié d’indemnisations payées par une capacité d’assurance située en dehors de ces juridictions. La question est donc de savoir : comment ces produits d’assurance finissent-ils par apparaître dans un pays où l’assureur n’a pas de licence sur place ? Cette discussion est de plus en plus individualisée pour chaque entreprise (afin que les liquidités correspondent au contrat) et c’est là que vous aurez besoin d’experts financiers, fiscaux et en matière de conformité autour de la table pour vous aider à comprendre les enjeux avant de prendre une décision. »
M. Krishnan affirme que bien que le prix soit un facteur déterminant dans les décisions en matière d’achat, certaines multinationales clientes continuent à baser leurs décisions d’achat de programmes uniquement sur le prix. « Nous venons de faire une offre pour un programme de terrorisme mondial à une très grande multinationale européenne exposée dans de nombreux pays non admis. Nous leur avons proposé une police qui prévoyait une police locale avec une gestion locale des indemnisations dans chaque pays concerné. Ils ont toutefois décidé de ne pas accepter cette proposition et d’opter pour une police sans polices locales dans les pays non admis », explique-t-il. « C’est le choix du client. Bien entendu, un programme avec des polices locales coûte un petit peu plus cher. Mais, lorsqu’ils ont décidé à l’échelle de l’entreprise d’acheter une assurance terrorisme mondiale (ayant des répercussions en matière de réputation), la performance du programme, et en particulier le fait de savoir si une indemnisation sera payée localement, doit être la première question à se poser. » Il ajoute également que cela montre que le client comprend qu’une indemnisation sera payée à un échelon supérieur et qu’ils peuvent faire en sorte que ces produits soient envoyés dans la succursale de manière économique.
La DIC/DIL gère les limites mondiales efficacement
Pour revenir au sujet de la différence de conditions et de la différence de limites, M. Krishnan a évoqué certaines des idées fausses les plus répandues relatives à la DIC/DIL dans le contexte des programmes des multinationales. « Selon nous, l’idée fausse la plus répandue est de ne pas se rendre compte qu’une police DIC/DIL est une police complémentaire avec un menu déroulant et que l’indemnisation couverte peut être payée à un échelon supérieur ou, si c’est autorisé, localement », affirme M. Krishnan.
Au niveau de l’entreprise, une clause DIC dans une police maîtresse est conçue pour étendre la couverture pour des dangers spécifiques en complément des polices locales rédigées par des assureurs admis dans les pays étrangers concernés ; une clause DIL vient compléter les limites des polices locales sous-jacentes. Il insiste sur le fait que la capacité DIC/DIL est un composant essentiel dans tout programme proposé aux multinationales, car la capacité dynamique assurée par une sécurité financière solide n’est tout simplement pas encore disponible sur de nombreux marchés à forte croissance. La capacité dynamique est abondante au Royaume-Uni et en Europe continentale, mais très peu d’assureurs dans ces pays sont titulaires d’une licence en Asie ou en Amérique latine.
« Quand vous ajoutez une police maîtresse mondiale à l’échelle européenne pour gérer et compléter les limites des polices locales, vous faites des économies d’échelle en plus de gérer les indemnisations et d’autres services localement. C’est un moyen prudent de gérer les risques IARD des multinationales, ainsi que les risques spéciaux.
Intérêt assurable et financier
Un autre aspect important, et parfois déroutant, des programmes d’assurance des multinationales concerne l’intérêt assurable. Dans sa forme la plus simple, chaque maison mère ou actionnaire dans une entreprise commune achetant une assurance pour protéger ses actifs ou ses obligations dans le monde à un intérêt assurable (ou financier) pour lequel il contracte une assurance.
Selon M. Krishnan, « intérêt assurable » est le concept-clé dont un sous-ensemble est un intérêt financier. « Vous pouvez assurer vos obligations contractuelles et légales lorsque vous êtes actionnaire majoritaire dans une entreprise commune. Vous pouvez assurer vos obligations dans un actionnariat. Vous pouvez assurer vos intérêts dans une propriété », détaille-t-il. « Ce sont tous des intérêts assurables et en prenant une perspective d’intérêt assurable avec une valeur de couverture convenue entre les parties, il est possible de quantifier le risque et les indemnisations de manière cohérente et conforme aux législations des différents pays en matière d’assurance. »
En examinant plus attentivement l’avenir et l’évolution des programmes d’assurance des multinationales, M. Krishnan entrevoit une demande croissante des assurances des multinationales pour les risques de responsabilité spéciale en complément de la couverture de responsabilité générale et liée aux propriétés des multinationales, qui nécessiteront une expertise locale pour les services de gestion des incidents et des crises.
De plus en plus, les lignes spécialisées, comme le terrorisme, la responsabilité environnementale, les accidents de voyage professionnels et les cyber-risques, enregistreront une demande croissante et une police locale avec des services correspondants de gestion des incidents et de contrôle des pertes va devenir indispensable pour empêcher et gérer l’impact des pertes sur la réputation. L’achat de polices locales pour ces risques est toujours plus important pour protéger le risque lié à la réputation, ajoute-t-il.
« La gouvernance des entreprises en Europe va exiger que vous traitiez votre entreprise dans le monde comme vous le feriez dans votre propre pays », conclut-il. « Pourquoi acheter une police contre les cyber-risques ou le terrorisme uniquement en Europe et pas ailleurs ? Si une cyber-attaque ou une attaque terroriste se produisait là-bas, comment répondriez-vous à la question ?