Poules mouillées ou mous du genou non admis
Ces dernières semaines, les attentes concernant les résultats des entreprises réalisés au cours du premier trimestre étaient si faibles que les bonnes surprises sont devenues la règle plutôt que l’exception. En Europe, cette évolution favorable est malheureusement restée dans des proportions modestes, mais aux États-Unis, 78 % des entreprises ont réussi à dépasser leurs attentes, parfois dans des proportions importantes.
À l’exception de quelques stars du sport ou des médias, tous les autres mortels doivent fréquemment revoir leurs attentes à la baisse, afin de mettre une certaine distance de sécurité entre eux et leurs aspirations antérieures. Il n’y a rien de mal à cela, et derrière chaque coin de rue se cache une nouvelle occasion de remplacer l’illusion précédente. Mais ceux qui ne supportent pas cette incertitude devraient se tenir à l’écart des marchés financiers, où il est crucial de se rassurer après chaque déception.
Or, ces dernières semaines, les attentes concernant les résultats des entreprises réalisés au cours du premier trimestre étaient si faibles que les bonnes surprises sont devenues la règle plutôt que l’exception. En Europe, cette évolution favorable est malheureusement restée dans des proportions modestes, mais aux États-Unis, 78 % des entreprises ont réussi à dépasser leurs attentes, parfois dans des proportions importantes.
Les secteurs de la finance et des services publics sont le maillon faible, se montrant particulièrement vulnérables à la politique jusqu’au-boutiste de la banque centrale américaine. Toutefois, le secteur technologique, jusqu’à présent très affaibli, résiste particulièrement bien à la dégradation de la situation et enregistre la plus forte progression des bénéfices des entreprises. Le secteur des soins de santé a également fait preuve de résilience et a enregistré la plus forte hausse de chiffre d’affaires.
Pourtant, cela n’a pas suffi à empêcher que du rouge s’affiche sur l’écran de la croissance globale pour le trimestre écoulé, pour la deuxième fois consécutive d’ailleurs. Mais le second semestre semble se diriger vers une tendance haussière, et ce malgré les sombres perspectives du deuxième trimestre en cours, qui reste plombé par la poursuite des hausses de taux d’intérêt qui ont encore alimenté l’inflation des coûts et exposé imprudemment le secteur financier à un risque systémique.
Personne ne sera surpris d’apprendre que l’économie mondiale connaîtra un ressac au cours des prochains mois. Toutefois, l’on continue à espérer que la résilience de l’économie permettra de limiter son ralentissement. Selon toute vraisemblance, la hausse du taux directeur intervenue aux États-Unis le 5 mai aura été la dernière, et la zone euro ne devra digérer qu’une nouvelle hausse de 25 points de base.
Mais des deux côtés de l’Atlantique, l’inflation de base refuse obstinément de céder du terrain, ce qui continue ainsi à alimenter les inquiétudes quant aux plans immédiats de la Fed. La banque centrale américaine ne reconnaît toujours pas que l’inflation de base reste élevée à cause (et non en dépit) de sa politique de taux d’intérêt effrénée qui augmente les coûts (financiers) des entreprises et se traduit par une hausse des prix à la consommation. En Europe, cette situation est exacerbée par notre complaisance à accepter de nouvelles hausses des prix à la consommation sur la base d’une prétendue augmentation des prix des matières premières, des denrées alimentaires et de l’énergie, alors qu’ils sont en baisse (significative) sur les marchés mondiaux depuis 9 mois.
Cependant, le nuage le plus menaçant pour les marchés financiers ne provient pas des indicateurs d’inflation, mais plutôt de la surenchère politique autour du relèvement nécessaire du plafond de la dette américaine. Une impasse pourrait paralyser structurellement le fonctionnement du gouvernement et laisser entrevoir l’option grotesque d’un défaut de la dette publique américaine. Les négociations n’avancent pas et la conclusion d’un accord avant la date limite du 1er juin semble relever du vœu pieux.
Cet échec ne serait pas nécessairement fatal si l’on peut encore raisonnablement supposer qu’un accord est en cours d’élaboration. Dans ce cas, la Fed pourrait, de manière crédible, puiser dans son sac à malices et utiliser toutes sortes de subterfuges pour désamorcer la bombe d’un éventuel défaut. Dans le pire des cas, le président américain pourrait même simplement ignorer le plafond de la dette imposé et continuer à dépenser ou à rembourser les emprunts à l’échéance, mais cela créerait un vide juridique que les marchés financiers n’apprécieraient pas.
Cependant, on imagine mal le gouvernement américain accepter l’affront d’un tel échec sur sa dette publique dans un contexte géopolitique aussi tendu. Pour le parti républicain, il est essentiel toutefois de pouvoir brandir un « trophée » devant ses partisans s’il ne veut pas être accusé d’être des « chiffes molles » qui n’osent pas utiliser leur majorité à la Chambre.
Donner la priorité aux dépenses semble l’option la plus évidente en cas de nouvelle escalade, mais ce sont les groupes les plus faibles de la société qui en seront les plus grandes victimes. Cela aura des conséquences électorales indéniables, tandis que ce scénario ne fera qu’intensifier la nervosité sur les marchés financiers.
Graphique : Évolution de plusieurs bourses mondiales depuis l’invasion (indice return en €)
La plupart des indices d’actions ont récupéré leurs pertes depuis l’invasion russe et poursuivent leur progression régulière sur un chemin qui ressemble toutefois à une passerelle branlante au-dessus d’un abîme béant.
On pourrait s’attendre à mieux de la part des marchés obligataires, mais en état de choc comme ils sont après que les autorités monétaires ont complètement manqué à leurs responsabilités envers les investisseurs défensifs et, de manière totalement inattendue et imméritée, les ont abandonnés à leur triste sort.
Entre-temps, le différentiel de rendement entre l’indice d’actions MSCI et l’indice des obligations dans la zone euro a été de 17 % (!) en faveur des actions depuis le 01-01-2022.
Les investisseurs obligataires observent les développements politiques aux États-Unis avec (encore plus) de méfiance et ne peuvent que s’inquiéter encore de l’évolution des indicateurs d’inflation pour le moment, ni aux États-Unis et certainement pas encore dans la zone euro.
Certes, le taux d’inflation général diminue très rapidement (beaucoup plus vite qu’au début des années 1980), grâce notamment aux fortes baisses des prix de l’énergie et au refroidissement progressif des coûts des denrées alimentaires. Mais (pour l’heure) l’inflation de base est encore loin de revenir à un niveau rassurant.
Par conséquent, l’évolution attendue des rendements des obligations d’État à plus long terme reste très limitée : au maximum 10 points de base de moins dans la zone euro et 0,2 % aux États-Unis (calculés sur les obligations d’État à 10 ans dans chaque cas).