Stefan Duchateau
Le FMI vient de réduire de 0,2 % ses perspectives de croissance économique, actant la poursuite du refroidissement de l’activité en 2019 qui atteindra ainsi son plus bas niveau depuis trois ans. Les chiffres publiés récemment sur le PIB chinois traduisent par ailleurs le rythme d’expansion le plus lent au cours de ces 28 dernières années. Ces deux corrections ne constituent cependant pas une surprise et n’annoncent pas de catastrophe mondiale. Du reste, la corrélation entre les performances économiques et l’évolution boursière à court terme est très vague.
Dans les deux cas, le ralentissement économique est dû en grande partie à l’action paralysante du conflit commercial en cours depuis trop longtemps entre les États-Unis et la Chine. Mais même sans cette dispute, l’économie mondiale aurait sans doute dû également reprendre son souffle en raison de la faiblesse économique persistante dans la zone euro. On en connaît les causes principales : l’incertitude quant à l’issue du Brexit et l’absence de mesures fiscales de soutien qui permettraient à la politique monétaire courageuse de la BCE de se traduire en croissance effective sur un continent européen dont la machine économique semble s’être arrêtée de tourner.
La discipline budgétaire et les mesures d’économie se sont avérées il est vrai très utiles pour éviter une nouvelle crise de la zone euro (qui aurait été sans doute fatale cette fois) mais elles n’en empêchent pas moins le lancement d’investissements publics substantiels qui ont constitué dans le passé un ingrédient important de la croissance économique en Europe. Mais aucun pays ne semble enclin actuellement à tenter l’aventure de déficits budgétaires croissants. La BCE n’a donc pas d’autre choix que de poursuivre sa politique monétaire basée sur un taux d’intérêt directeur négatif.
La hausse de 10 points de base du taux directeur, qui était prévue vers la fin de 2019, est à présent reportée aux calendes grecques. Il serait même avisé de procéder plutôt à une baisse de ce taux mais cela se heurterait à l’opposition des grandes banques européennes dont la rentabilité précaire serait encore plus mise à mal.
En Chine, en revanche, la dégradation des indicateurs conjoncturels a été suivie rapidement de mesures de soutien de grande ampleur. Les taux d’intérêt du marché ont été rabaissés de même que les réserves obligatoires des banques chinoises. Les entreprises locales devraient donc se voir octroyer des crédits à bon marché en suffisance. Dans le même temps, les travaux d’infrastructure et les baisses d’impôts vont alimenter le moteur des investissements.
Bien entendu, de telles mesures s’avéreront également très utiles en cas d’échec des négociations commerciales avec les États-Unis. Mais cette issue négative conduirait surtout à une nouvelle dépréciation de la monnaie chinoise, en vue de neutraliser l’effet négatif de l’instauration de nouveaux droits de douane. Toutefois, au vu de la remontée systématique du yuan au cours des dernières semaines, nous tablons jusqu’à nouvel ordre sur une résolution de ce conflit commercial.
Nous ne prévoyons cependant pas de solution rapide. L’échéance (arbitraire) n’est fixée en effet qu’au 1er mars. Et les deux parties n’ont pas intérêt à aboutir rapidement à un accord. Cette semaine, la délégation chinoise (composée à présent de représentants politiques de très haut niveau) poursuivra les discussions à Washington. Les éventuels commentaires qui fuiteront à leur propos indiqueront la direction dans laquelle elles évoluent, ce qui fera bouger les marchés dans un sens ou dans un autre.
Le président américain est placé à présent au pied de la Grande muraille. Après sa défaite en rase campagne dans la question du shutdown, où les deux camps se sont servis de 800.000 fonctionnaires comme du bétail électoral, Trump ne peut plus se permettre une seconde déculottée à brève échéance. Conclure un accord trop vite pourrait indiquer une certaine faiblesse de sa part. D’un autre côté, des négociations trop longues et trop dures pourraient décourager la délégation chinoise, ce qui ferait assurément chuter les marchés financiers.
Cette incertitude économique accrue devrait inciter en tout cas la banque centrale américaine (Fed) à s’abstenir de décider de nouveaux relèvements de son taux directeur (qui sont d’ailleurs pour l’heure totalement inutiles). Le prochain relèvement du taux directeur ne devrait avoir lieu, avec une probabilité un tant soit peu significative, qu’au cours du second semestre de 2019. Cela donne donc largement le temps aux marchés financiers de se préparer à une telle hausse (éventuelle).
Actuellement, les marchés obligataires tablent en tout cas sur une longue hibernation de la Fed : elle ne devrait pas bouger ses taux avant pas mal de temps. On peut le déduire, par exemple, des taux d’intérêt attendus dans un an. Ils sont quasi égaux à leur niveau actuel.
Entre-temps, le plus important sera d’analyser les plans du président de la Fed, Jerome Powell, destinés à réduire le bilan de la banque centrale. La règle de la réduction mécanique a été instaurée en 2015 après la chute du marché qui avait été provoquée par les commentaires fluctuants de Bernanke et de Powell. Actuellement, le tempo de réduction s’avère cependant trop rapide, ce qui crée une pénurie de liquidités que les autorités n’ont pas voulue. Résultat : les entreprises affublées d’une faible notation de crédit voient leur coût du capital s’envoler.
Les derniers jours du mois de janvier s’annoncent d’ailleurs très tendus. Non seulement chaque mot fuitant des négociations commerciales sino-américaines pourrait secouer les marchés mais l’inextricable saga du Brexit connaîtra elle aussi de nouveaux développements.
Mais il ne s’agit finalement que de discussions. En définitive, ce sont les résultats réalisés par les entreprises qui sont et restent le facteur déterminant. Les résultats relatifs au quatrième trimestre de 2018 publiés jusqu’à présent sont encourageants. Ils montrent en tout cas que les corrections baissières des bénéfices qui ont été annoncées ces derniers mois (et qui ont fait culbuter les bourses) étaient exagérées.
Mais la saison des résultats vient à peine de commencer. Dans les prochains jours, on attend en effet de géants tels que Microsoft, Amazon, Facebook et Alphabet l’annonce non seulement de leurs bénéfices réalisés au quatrième trimestre de 2018 mais également de leurs premières perspectives en la matière pour 2019. Le 29 janvier (après la clôture du marché) interviendra la mère de toutes les publications : les résultats d’Apple qui auront à n’en pas douter un impact considérable sur les marchés, dans un sens positif ou négatif.
L’avertissement sur chiffre d’affaires que son CEO, Tim Cook, avait glissé dans sa lettre de Nouvel An, n’a toujours pas été complètement digéré. Si cette mauvaise surprise concerne également le taux de croissance des bénéfices, cela signifiera tout simplement que la stratégie d’Apple consistant à quitter son statut d’entreprise industrielle pour devenir une entreprise prestataire de services a échoué (du moins provisoirement).
Si ce n’est pas le cas, les marchés pousseront un énorme soupir de soulagement. Les actions (surtout du secteur technologique) devraient alors rebondir fortement.
Faute de suspense au cyclocross, vous y trouverez certainement votre bonheur.
Blog Argenta: 28 janvier 2019
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