La BCE et les autorités nationales de supervision (dont la BNB) ont clôturé un exercice de grande ampleur – dit « Comprehensive Assessment ou CA » – qui a procédé à une évaluation approfondie des forces et faiblesses des grandes banques de la zone euro. Cet exercice avait pour triple objectif d’accroître la transparence à travers une amélioration de la qualité des informations disponibles sur la situation des banques, d’assainir le système bancaire en identifiant et mettant en œuvre les mesures nécessaires pour garantir la solvabilité et, enfin, de renforcer la confiance dans les établissements de crédit européens. Ces conditions sont indispensables pour permettre au secteur de jouer son rôle de soutien à la croissance économique et pour assurer la crédibilité du nouveau mécanisme de supervision unique, qui prévoit de centraliser la surveillance prudentielle des banques auprès de la BCE à partir du 4 novembre 2014.
Cette évaluation a reposé sur deux grands piliers complémentaires : la revue de la qualité des actifs (asset quality review, AQR) et les tests de résistance. Ces deux grands volets ont été complétés par un exercice appelé « join-up » destiné à intégrer les résultats de l’AQR dans ceux des stress tests et ainsi, à assurer la cohérence de l’ensemble de l’exercice. Tandis que l’AQR a consisté essentiellement à vérifier la valorisation des actifs dans les comptes des établissements au 31 décembre 2013, les tests de résistance ont eu pour objectif principal de déterminer la capacité d’absorption des établissements de crédit à des chocs macroéconomiques et financiers sur un horizon de trois ans. Pour les tests de résistance, deux grands scénarios ont été considérés. Le premier, dit « scénario de base », se fonde sur les prévisions économiques établies à la fin 2013 par la Commission européenne et correspond déjà à une situation difficile pour les banques compte tenu des prévisions médiocres en matière de croissance économique et de certains chocs déjà inclus dans ce scénario. Par contre, le second scénario, dit « scénario adverse » simule une aggravation profonde de la situation conjoncturelle ne constituant en aucune mesure une prévision des évènements futurs. Dans ce contexte, les résultats de ce stress doivent être considérés comme un exercice prudentiel. Le test de résistance ne prend pas non plus en compte les possibilités de réaction des banques en introduisant une hypothèse de bilan constant afin d’éviter que les établissements de crédit puissent tabler, pour réussir les stress-tests, sur des intentions d’expansions ou au contraire d’abandons d’activités.
Afin de déterminer si des mesures correctrices doivent être mises en œuvre par les établissements financiers soumis au CA, un seuil minimum de ratio de solvabilité, calculé en termes de capital de base (Common Equity Tier 1 ou CET1), a été fixé à 8 pc tant pour l’examen de la qualité des actifs que pour le scénario de base du test de résistance et à 5,5 pc pour le scénario adverse.
Modalités d’exécution du Comprehensive Assessment
L’exercice a été conduit sous la coordination de la BCE et sur la base d’une méthodologie harmonisée visant à promouvoir une convergence dans la définition des concepts et des règles prudentielles ainsi que dans les pratiques de contrôle. En dépit de cette harmonisation, les comparaisons entre pays doivent s’effectuer avec prudence dans la mesure où le CA a permis entre autres le maintien de certaines des discrétions nationales qui sont temporairement autorisées par les directives européennes, notamment en termes de définition du capital.
La BNB, en tant qu’autorité nationale de supervision, s’est pleinement inscrite dans cet exercice afin de contribuer à en assurer le succès et a veillé à l’application stricte de la méthodologie. Elle s’est également appuyée sur l’expertise de tiers, tels que des réviseurs ou des entreprises spécialisées dans la valorisation d’actifs, notamment immobiliers. Au total, environ 400 personnes ont contribué à la conduite du CA en Belgique, sans compter les ressources que les institutions financières elles-mêmes, ont dû mobiliser pour réaliser cet exercice, très exigeant en termes de données et de documentation.
Six institutions belges ont été soumises au CA. Il s’agit d’Axa Bank Europe, d’Argenta, de Belfius, de Dexia, de KBC Group, et de Bank of New York Mellon. Malgré que Dexia soit une entité en voie de démantèlement, elle a été soumise à l’entièreté de l’exercice. Ce dernier n’a toutefois pas remis en cause le plan de restructuration approuvé par la Commission Européenne en 2012. A noter aussi que plusieurs banques, dont BNP Paribas Fortis et ING Belgique, ont été soumises au CA via leur maison mère.
Résultats de la revue de la qualité des actifs (AQR)
Dans le cadre de l’AQR, une analyse très détaillée des actifs a été réalisée, incluant 38 portefeuilles représentant 51% des actifs pondérés des établissements de crédit belges soumis à l’exercice. Dans chaque portefeuille, un échantillon représentatif des dossiers de crédits les plus risqués a été examiné, soit au total plus de 4200 dossiers de crédit et près de 3150 collatéraux. De surcroît, 13 modèles d’évaluation complexes ont été revus ainsi que 96 titres illiquides pour un montant de 3,5 milliards.
La revue de la qualité des actifs a fait ressortir que les pratiques comptables des banques belges sont généralement prudentes et conformes aux normes comptables internationales ce qui se traduit en particulier par un niveau adéquat de provisionnement des portefeuilles de crédit.
Les ajustements requis par l’AQR sont donc restés limités, s’élevant à 0.45% ( Ce montant serait de 0,48 % avec Dexia) de ratio CET1 en Belgique. Ces ajustements ont surtout résulté des règles conservatrices utilisées dans l’exercice et ne mettent pas en question les comptes annuels des établissements de crédit. L’AQR a néanmoins mis en lumière quelques insuffisances notamment en termes de qualité de données et des méthodologies utilisées pour la valorisation des actifs et du collatéral immobilier. La Banque s’attend à ce que les établissements belges veillent à répondre dans les prochains mois aux points d’attention révélés par l’AQR.
Résultats des tests de résistance (ST)
Scénario de base
Tous les établissements de crédit peuvent faire face au scénario de base, avec un ratio de CET1 qui passerait, en moyenne pour les banques belges, de 14% en 2013 à 12.5% à la fin de 2016 (2 Avec Dexia , le CET1 moyen se serait réduit de 14.6% en 2013 à 12.1% à la fin de 2016). Ce niveau reste largement au-delà du seuil fixé de 8 % par la méthodologie harmonisée.
Les résultats globaux des tests de résistance confirment toutefois la grande hétérogénéité au sein du secteur bancaire belge, reflétant notamment des différences de « business model » et de degrés d’avancement dans la restructuration des activités suite à la crise financière,
Au-delà d’une relative faiblesse en termes de rentabilité pour certaines banques, la diminution de la position de capital de 1,5 % des banques belges résulte essentiellement du remboursement d’aides d’Etat par une banque. En excluant ce facteur, le CET1 ratio resterait relativement stable et en ligne avec l’évolution moyenne constatée dans la zone euro.
Scenario adverse
Dans le scénario défavorable également, la position moyenne de solvabilité des banques belges resterait, avec 8.2% en 2016 (3 7.4 % s’il est tenu compte des résultats de Dexia), bien au-delà du seuil minimum de 5,5 %. Le contexte macroéconomique extrêmement déprimé se traduirait en une réduction de 4,3 % par rapport au scénario de base. Comme dans le scénario de base, le CET1 ratio est influencé pour partie par le remboursement des aides d’Etat.. Dans le reste de la zone euro, la baisse moyenne entre les deux scénarios représenterait 3,2 %, amenant le coefficient de solvabilité à un niveau similaire à celui de la moyenne des banques belges.
Dans ce scénario, l’aggravation de la situation conjoncturelle entrainerait une hausse significative des provisions et des actifs pondérés par les risques. Ce sont principalement les activités étrangères des banques belges qui seraient affectées, du fait des hypothèses retenues ainsi que des positions parfois importantes des banques belges en la matière. Néanmoins, les tests de résistance ont aussi simulé le déclenchement, en Belgique, d’une crise immobilière similaire à celle observée ces dernières années dans certains pays européens sans commune mesure avec les développements qui ont été observés par le passé en Belgique.
Les activités héritées du passé ont aussi influencé les résultats et le niveau de solvabilité, d’autant qu’une des principales hypothèses des tests de résistance a été de figer le bilan des banques à la situation observée à la fin de 2013. Certes, l’exercice a permis de tenir compte de l’effet des plans de restructurations acceptés par l’UE. Les autres efforts d’assainissement qui se sont poursuivis en 2014 et s’étendront encore sur les années à venir n’ont cependant pas pu être incorporés.
Par ailleurs, la contrainte de la profitabilité pèserait sur les résultats de certaines banques. Cela jouerait en particulier pour les banques belges, qui se sont repositionnées, ces dernières années, sur leurs activités traditionnelles d’intermédiation dont la rentabilité reste relativement faible. Il s’agit principalement de l’octroi de crédit à l’économie belge et de l’investissement en obligations d’Etat, financés essentiellement au moyen de l’épargne collectée en Belgique, notamment sous la forme des dépôts d’épargne réglementés. Les tests de résistance ont introduit des hypothèses très strictes sur l’évolution des marges d’intérêt et sur la valeur des obligations d’Etat. Ils prévoient notamment une augmentation sensible du coût des moyens de financement, du fait d’une hausse généralisée des taux, tandis que les possibilités de répercuter ces hausses sur les taux des actifs ont été fortement contraintes par les paramètres de l’exercice.
Les comparaisons entre les résultats de la Belgique et de la zone euro doivent être interprétées avec prudence, car les moyennes agrégées recouvrent des profils assez divers. Par ailleurs, les résultats de deux grandes banques fortement implantées en Belgique ne sont pas repris dans les données belges car ils sont consolidés au niveau de leur maison mère. Il ressort globalement que les banques belges – au-delà des activités du passé – sont plus affectées par certains facteurs reflétant notamment la restructuration entreprise dans le sillage de la crise et certaines caractéristiques de leur modèle d’activité.
Les réductions de valeurs, ainsi que la hausse des actifs pondérés pour le risque, relatives aux expositions sur le secteur public ont pesé davantage sur les banques belges compte tenu notamment d’une plus grande détention de ce type d’actifs. Cet important portefeuille de titres publics reflète le surplus d’épargne du secteur privé en Belgique, ainsi que la faiblesse de la demande de crédit compte tenu du contexte économique actuel. Par ailleurs, le faible niveau des revenus, hors marge d’intérêt, ne permet généralement pas de compenser les pertes prévues dans le stress test. En revanche, les pertes sur crédit liées à la détérioration de l’environnement économique semblent affecter de manière plus limitée les établissements belges, confirmant ainsi les résultats de l’AQR.
Implications du Comprehensive Assessment pour les banques belges
Deux banques ont été particulièrement affectées par les chocs prévus dans le scénario adverse, à savoir AXA Bank Europe et Dexia. Toutes deux présentent en conséquence une situation en capital inférieure à la limite fixée de 5,5 p.c.
Depuis fin décembre 2013, AXA Bank Europe a toutefois poursuivi ses ventes d’actifs liés à des activités non stratégiques pour diminuer son profil de risque et a procédé à des augmentations de capital de telle sorte qu’elle satisfait dès à présent aux exigences fixées par l’ECB et ne doit plus prendre de mesure complémentaire de renforcement de la solvabilité suite au Comprehensive Assessment.
En ce qui concerne le groupe Dexia, il a été tenu compte de ses spécificités en considérant le plan de restructuration actuel du groupe tel qu’approuvé par la Commission européenne. Ainsi, la prise en compte dans les fonds propres des moins-values non réalisées sur les portefeuilles de titres souverains à valeur de marché n’a pas été considérée comme pertinente au vu des garanties d’Etat dont bénéficie le groupe et qui lui permettent de conserver les titres en question jusqu’à échéance, même en situation de détérioration des conditions économiques et financières. Tenant compte de ce facteur, le ratio CET1 de ce groupe remonterait à 7,6% soit un niveau supérieur au seuil de 5,5 %. Par ailleurs, le Groupe a également réalisé des ventes d’actifs depuis la fin de 2013, qui contribuent à améliorer davantage sa position de solvabilité. L’exercice de stress test ne remet dès lors pas en cause le plan de restructuration actuel de Dexia tel qu’approuvé par la Commission Européenne en 2012 et ne requiert aucune mesure complémentaire de la part du groupe.
Les résultats du stress test font ressortir que les établissements disposent d’un niveau de capital confortable dans le scénario de base, ainsi qu’une bonne capacité de résistance à des chocs sévères, tel que prévu dans le scénario défavorable. Néanmoins, l’exercice démontre l’intérêt pour le secteur bancaire de diversifier davantage sa structure de revenus et de financement. Par ailleurs, les banques sont appelées à tirer les leçons de l’exercice en poursuivant la réflexion sur l’orientation de leur modèle d’entreprise. Afin d’assurer un niveau de rentabilité durable et soutenir l’économie belge, elles devront continuer à poursuivre leurs efforts de restructuration et de rationalisation.