L’AMF a contribué, en fin d’année dernière, à la consultation lancée par la Commission européenne sur le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR, pour Sustainable finance disclosure regulation). Elle publie aujourd’hui un papier de position qui résume les principes incontournables qui devraient, selon elle, orienter les travaux sur la révision de SFDR. En 2018 et 2019, les co-législateurs de l’Union européenne et la Commission européenne ont conçu le règlement sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers (SFDR, pour Sustainable finance disclosure Regulation) comme un régime de publication d’informations extra-financières applicables aux entités et produits financiers. Puisque SFDR était destiné à être un régime de publication d’informations, les législateurs se sont abstenus de définir précisément des concepts tels que l’ « investissement durable », les « caractéristiques environnementales/sociales » ou la « prise en compte des principales incidences négatives ». Ce choix, qui prenait tout son sens dans le cadre d’un régime de publication d’informations visant à fournir aux intermédiaires financiers et investisseurs finaux les éléments dont ils ont besoin, impliquait dès lors que l’interprétation de ces concepts était laissée à la discrétion de chaque acteur des marchés financiers.
Cependant, puisque SFDR a été employé comme un mécanisme de labellisation par les acteurs de marché, ce manque de clarté a engendré de la confusion parmi les investisseurs. Aussi, l’AMF accueille favorablement l’intention déclarée de la Commission d’entreprendre une révision de SFDR et appelle à une refonte de ce règlement. Le présent papier fournit une synthèse des positions exprimées par l’AMF dans sa réponse à la consultation ciblée de la Commission européenne sur SFDR.
A cet égard, les principaux messages de l’AMF sont les suivants :
*Le nouveau cadre devrait apporter de la clarté au sujet de la catégorisation des produits, et ainsi inclure des catégories de produits fondées sur des critères minimaux objectifs.
*La révision devrait accorder une large place aux exigences de publication, tout en cherchant à les simplifier lorsque cela est possible pour se concentrer sur les informations pertinentes pour les investisseurs, tout en tenant compte des développements du cadre européen en matière de finance durable.
Créer un mécanisme européen de catégorisation des produits objectif, clair et simple
Dans le cadre plus large de la stratégie européenne en matière de finance durable, qui vise à réorienter les flux de capitaux vers les activités durables et la transition, l’AMF plaide pour un mécanisme européen de catégorisation qui permettra avant tout aux investisseurs finaux d’identifier et de comparer les produits financiers qui contribuent aux facteurs de durabilité. Ces nouvelles catégories de produits devraient reposer sur des critères minimaux afin de s’assurer que les produits qui y appartiennent satisfont un niveau minimal de contribution. Plutôt que d’essayer de créer des labels d’excellence pour la crème des produits financiers environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG)(1), l’établissement d’un mécanisme de catégorisation européen devrait consister à créer des catégories de produits suffisamment vastes et dont les critères constitueraient un point d’entrée. Au sein de telles catégories, les acteurs des marchés financiers seraient libres de développer des pratiques et stratégies plus ambitieuses. Parce que la multiplicité des stratégies durables ne se prête pas nécessairement au développement d’un simple classement, il ne devrait pas y avoir de hiérarchie entre les catégories.
Toutes les parties prenantes, y compris les acteurs des marchés financiers, les distributeurs, les investisseurs finaux et les autorités nationales compétentes, devraient partager une compréhension commune de ce que sont ces catégories et de ce qu’elles exigent. A cette fin, le mécanisme de catégorisation devrait s’appuyer sur des critères minimaux objectifs qui ne sont pas sujets à interprétation. Les critères minimaux objectifs devraient faire écho aux outils réglementaires (Taxonomie européenne) et pratiques de marché existants (exclusions, filtres non-financiers) afin de limiter les difficultés pour les concepteurs et distributeurs : les premiers n’auraient pas besoin de développer des méthodologies internes ex nihilo, et les seconds disposeraient d’un socle commun solide pour comprendre et comparer les produits. De plus, la conformité à ce nouveau mécanisme devrait relever de la supervision des autorités nationales compétentes : un produit financier déclarant appartenir à une catégorie sans en satisfaire les critères minimaux devrait être considéré comme en infraction à la réglementation, et ainsi faire l’objet d’actions répressives de la part de l’autorité nationale compétente.
Du point de vue de l’AMF, un mécanisme de catégorisation qui satisfait les principes susmentionnés auraient plusieurs avantages :
*le cadre resterait flexible et compatible avec les systèmes de labellisation nationaux existants : dès lors que les produits satisfont les critères minimaux d’une catégorie, leurs concepteurs peuvent aller plus loin pour différencier leurs produits des gammes de leurs pairs, par exemple au moyen de labels ou en développant des approches sur-mesure pour les clients sophistiqués ;
*les nouvelles catégories pourraient servir de base au développement de règles relatives à la dénomination et à la communication promotionnelle des produits. Par exemple, seul un produit appartenant à la catégorie « transition climatique » devrait pouvoir utiliser les termes « Paris-aligned » dans son nom et sa documentation commerciale. Les produits financiers qui n’appartiennent à aucune catégorie seraient toujours en mesure d’effectuer des déclarations extra-financières, mais uniquement dans leurs documents réglementaires et de manière proportionnée ;
*les catégories devraient aussi être employées dans le cadre de la distribution des produits financiers pour redéfinir la notion de préférences de durabilité prévue dans la directive sur les marchés d’instruments financiers (MIF) et la directive sur la distribution d’assurance (DDA) ;
*avec des catégories claires et solides, il pourrait être soutenu que les informations publiées en matière de durabilité pourraient être moins détaillées et moins étendues, ouvrant ainsi la voie aux simplifications et allégements nécessaires des dispositions de SFDR relatives à la publication d’informations au niveau des produits.
A partir de ces principes, l’AMF propose quatre catégories : « solutions environnementales », « solutions sociales », « transition climatique » et « filtres non-financiers »(2). D’autres catégories pourraient être introduites au fil du temps, par exemple « transition sur la biodiversité ». Ces catégories rendraient obsolète l’architecture actuelle fondée sur les Articles 9 et 8 de SFDR et la remplaceraient tout à fait.
Rationaliser les publications d’informations au niveau des produits
Les concepteurs devraient publier pour tous leurs produits financiers, sous réserve d’une approche « appliquer ou s’expliquer », la manière dont ils intègrent les risques en matière de durabilité dans leurs décisions d’investissement ainsi que l’évaluation des incidences probables de ces risques sur le rendement de leurs produits. L’actuel Article 6 de SFDR pourrait être amendé afin d’être davantage précis, notamment en énonçant les types de risques à prendre en compte et les informations à publier au sujet de la méthodologie employée pour quantifier l’incidence sur le rendement du produit.
Des exigences de publication d’informations supplémentaires devraient s’appliquer aux produits qui effectuent des déclarations en matière de durabilité, c.à.d. les produits appartenant à une catégorie ainsi que les produits non-catégorisés qui incluent de telles déclarations dans leurs documents réglementaires. Ces informations devraient viser à renforcer la comparabilité entre les produits et, en même temps, être compréhensibles pour les investisseurs individuels. Elles pourraient consister en un rapport obligatoire sur un nombre limité d’indicateurs (3) et sur la mise en œuvre des politiques d’engagement et de vote des acteurs des marchés financiers à l’égard des entreprises détenues par le produit. Ces informations pourraient être complétées par une publication volontaire sur les cibles de décarbonation du produit.
Refocaliser SFDR sur les informations publiées au niveau des produits
Les informations en matière de durabilité publiées au niveau des produits financiers constituent la source d’informations la plus utile pour les investisseurs qui ont des préférences de durabilité et qui sont à la recherche de produits dans lesquels investir. Dès lors, il est peu certain que les investisseurs de détail retirent des avantages substantiels des informations relatives à la durabilité qui sont publiées au niveau des entités, si tant est qu’ils en prennent connaissance. Dans le cas des investisseurs sophistiqués, ils estiment probablement que le rapport au niveau des entités est utile, mais continuent à demander en bilatéral des informations spécifiques et sur-mesure aux concepteurs des produits ou aux conseillers.
Dans le cadre de la Directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises (CSRD, pour Corporate sustainability reporting directive), les entreprises financières seront sujettes à des normes de publication d’informations propres à leur secteur. Dans la mesure où ces normes reflètent l’approche de double matérialité, il est probable qu’elles exigeront des informations similaires à celles demandées par SFDR au niveau des entités. Afin de clarifier le paysage réglementaire européen, il serait pertinent de focaliser SFDR sur les informations publiées au niveau des produits et de retirer de ce règlement toute exigence de publication d’informations au niveau des entités, sous réserve que ces informations soient convenablement couvertes par la CSRD.
Seuls les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers de grande taille seront sujets à la CSRD. Aussi, s’il devait être considéré approprié que les acteurs de plus petite taille publient des informations au niveau des entités, alors le périmètre et les dispositions de la CSRD devraient être amendés en conséquence.
Source: AMF